L'IDEAL FEMININ

 

 

I. Carmen, 1875

 

Ce que l'on trouve sur internet :

Carmen est une nouvelle de Prosper Mérimée écrite en 1845 et publiée en 1847, dont a été tiré l’opéra-homonyme, musique de Georges Bizet, livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy (1875).

Carmen traite du sujet de la liberté, de l'amour obsessif et de la jalousie meurtrière. La nouvelle met principalement en scène les personnages de Carmen et de Don José, dont l'amour passionné pour la belle bohémienne est à sens unique, ce qui a pour résultat le meurtre de Carmen par Don José (Wikipedia)

Personnages principaux

  • Carmen : est une jeune gitane qui entraîne dans sa chute son amant jaloux. C’est une femme sensuelle, qui utilise ses charmes et ses atouts féminins pour arriver à ses fins et manipuler ses amants. Elle envoûte littéralement le narrateur et Don José dès la première rencontre.
  • Don José : est destiné à une carrière militaire, il succombe aux charmes de Carmen et devient un bandit. Il ne peut désobéir à sa maîtresse, dont il est passionnément amoureux. Il est faible et impuissant et sa passion va le pousser à commettre des meurtres ; il y succombe entièrement lorsqu’il tue Carmen, qui lui avait avoué qu’elle ne l’aimait plus.
  • Le narrateur : est un personnage naïf, également tombé dans les filets de sa passion pour Carmen, mais qui a été sauvé par Don José. C'est également un personnage vertueux et sage se rapprochant de l’auteur par son profil d'archéologue. (Wikipedia)

 

Et enfin, dans la nouvelle de Prosper Mérimée, on trouve en épigraphe une citation de Palladas d'Alexandrie (fin du IVièmesiècle) en grec ancien :

Toute femme est comme le fiel ; mais elle a deux bonnes heures, une au lit, l’autre à sa mort.

Si vous souhaitez lire la nouvelle de Mérimée, cliquez ici.

 

Depuis la composition de l'opéra Carmen par Georges Bizet, on ne cesse d'identifier Carmen à la définition précédente. Pourtant, elle en est tout le contraire. Elle est une femme résolument moderne qui n'accepte aucune concession pour vivre la plénitude de l'amour, au sens quasi divin du terme.


Dans le Cours de l'Histoire de Xavier Mauduit, sur France Culture, on retiendra :

au XIXe siècle, avec le triomphe de la bourgeoisie naît une nouvelle conception de l'amour. Elle prône un idéal où le corps et l’esprit fusionnent dans un tourbillon d'émotions exaltées et sublimées. À son paroxysme, elle est une mystique amoureuse, mais toujours chaperonnée par la vertu.

Paolo et Francesca, Ary Scheffer, 1854, Collection de la Kunsthalle, Hambourg. (Symbole de la passion qui l'emporte sur la raison)

Xavier Mauduit continue :

Le XIXième siècle marque l’avènement d’une nouvelle culture de l’amour, quand le discours moral et les récits grivois, voire franchement pornographiques, qui prédominaient au XVIIIe siècle, laissent place au romantisme. L’essor de la culture bourgeoise impose de nouveaux comportements dans la vie privée. L’individu est désormais au centre de toute chose, dans sa vie publique comme dans son intimité. Les romantiques aspirent à un amour qui transcende la vie, en opérant la fusion du corps et de l’âme

L’amour devient ainsi une véritable mystique, un idéal de plénitude et de communion entre soi et l’être aimé. Cet espoir individuel d’un amour parfait ne promeut pas pour autant la liberté de choix. Le romantisme et la culture bourgeoise mettent en place de nouvelles conventions, de nouveaux standards pour lesquels l’amour n’est pas un idéal à la portée de tous[...]Dans tous les cas, l’amour romantique prend des aspects révolutionnaires quand il aspire au sublime

Tout est dit quant à Carmen !

C'est à l'opéra que la musique décrira au mieux un personnage jusqu'à en révéler au public ses pensées et toute sa personnalité.

 

 

II. Mélisande

Article à lire

Propos suivants tirés de l'article en question

Pelléas et Mélisande apparait comme une œuvre hybride et unique à bien des égards. C’est l’unique opéra de Debussy mais aussi l’unique drame lyrique symboliste. Une œuvre atypique qui repense les relations entre l’orchestre et des voix « presque immatérielles », qui sera accueillie dans un climat de scandale à sa création.
Dix longues années lui seront nécessaires pour mettre en musique une œuvre dont il fera siens tous les symboles.

Claude Debussy aurait d’abord découvert le drame en cinq actes de Maurice Maeterlinck (1862-1949) un soir de l’été 1892 alors qu’il feuilletait distraitement des ouvrages à l’étalage de la Librairie Flammarion, Boulevard des Italiens. Pelléas et Mélisande, dont le texte vient de paraître, suscite immédiatement son intérêt.

Maeterlinck accepte volontiers que Debussy transforme son œuvre en opéra.

Il s’agit en apparence d’une banale histoire de triangle amoureux que la violence  d’une jalousie morbide fait basculer dans le tragique. Les amours adultères de Pelléas et Mélisande tirent une dimension particulière du fait qu’elles se déroulent dans les brumes symbolistes du royaume imaginaire d’Allemonde. C’est ce qui fait l’originalité et la nouveauté de Pelléas et Mélisande qui s’inscrit par ailleurs dans un genre alors très florissant, le théâtre d’idées. Malheureusement, cette appartenance à un courant très daté explique aussi sa disparition : le style de ce drame émaillé de signes et de symboles plus ou moins clairs, a terriblement vieilli. Le parti pris très « fin de siècle » qui guide le récit de ces amours mélancoliques risque de dérouter le spectateur moderne.
L’idée directrice était de se démarquer d’un théâtre réaliste basé sur la psychologie de personnages figés dans les conventions dictées par la fidélité au réel. L’œuvre de Maeterlinck s’affranchit du temps et des lieux pour mettre sur la scène des figures indécises, presque déréalisées, telle l’insaisissable Mélisande à la longue chevelure, fluide et ondulante comme la mer. On ne sait rien d’elle.

À côté du rejet de la réalité, on trouve aussi une attention au « tragique quotidien », ce qui peut sembler contradictoire. Maeterlinck s’attache à dépeindre les méandres et les mystères de la vie intérieure de personnages qui échangent des propos apparemment insignifiants en usant des mots les plus ordinaires. Nous ne sommes pas très loin des puissances de l’inconscient dévoilées par Freud. Malheureusement ces dialogues émaillés d’expressions familières peuvent conduire aux limites du ridicule en suscitant les plaisanteries d’un public indifférent à une telle recherche dramaturgique et stylistique. Pour certains, un éclat de rire malveillant suffit pour passer du « tragique quotidien » au comique.  
Comme le souligne Antonin Artaud (1896-1948) dans une préface qu’il consacrera à Maeterlinck en 1923 : « Les personnages (de Maeterlinck) sont des marionnettes agitées par le destin ». Le dramaturge précise d’ailleurs lui-même : « Ces répétitions étonnées qui donnent aux personnages l’apparence de somnambules un peu sourds constamment arrachés à un songe pénible… Ce manque de promptitude à entendre et à répondre tient intimement à leur psychologie et à l’idée un peu hagarde qu’ils se font de l’univers ». Debussy adhère parfaitement à cette esthétique symboliste qui irrigue le livret de l’opéra, très peu différent de la pièce.



La composition de l’opéra s’étalera sur dix années pour s’achever en août 1895. Mais Debussy reprend sans cesse sa partition comme il le confie dans une note rédigée sur son œuvre qui parait en octobre 1920 : « ‘Pelléas’ a été achevé une première fois en 1895. Depuis, je l’ai repris, modifié, etc., cela représente à peu près douze ans de ma vie ». La correspondance du musicien témoigne du soin méticuleux qu’il accorde à ses personnages : « J’ai passé des journées à la poursuite de ce « rien » dont elle (Mélisande) est faite (…) Maintenant c’est Arkel qui me tourmente. Celui-ci est d’outre-tombe, et il a cette tendresse désintéressée et prophétique de ceux qui vont bientôt disparaître, et il faut dire tout cela avec do, ré, mi, fa, sol, la si, do !!! Quel métier ! » . La partition complète sera produite en 1898 quand le nouveau directeur de l’Opéra-Comique, Albert Carré, aura donné son accord pour la création. Maeterlinck et Debussy vont alors s’affronter jusqu’à envisager un duel qui heureusement n’aura pas lieu ! Cette anecdote qui peut sembler dérisoire met à jour un désaccord profond entre les deux « créateurs » de Pelléas et Mélisande. Maeterlinck souhaitait que le rôle principal de l’opéra soit confié à son épouse, Georgette Leblanc, très célèbre Carmen qui avait aussi à son répertoire le rôle-titre de Thaïs (1894) de Jules Massenet. On peut comprendre les réticences de Debussy face à une telle interprète habituée aux rôles de femmes de caractère, sûres de la puissance de leurs charmes ! Il lui préfère une jeune écossaise, Mary Garden, dont les qualités vocales et le physique conviennent parfaitement au personnage éthéré qu’est Mélisande. A propos de cette interprète dont le choix semble s’imposer de lui-même, Debussy écrit à André Messager : « Je ne puis concevoir un timbre plus doucement insinuant ».


La réaction de Maeterlinck sera à la mesure de sa déception. Il publie immédiatement une lettre incendiaire dans le Figaro quelques jours seulement avant la première : « (La) représentation aura lieu contre moi (…) On parvint ainsi à m’exclure de mon œuvre (…) En un mot, le Pelléas de l’Opéra-Comique est une pièce qui m’est devenue étrangère, presque ennemie ; et, dépouillé de tout contrôle sur elle, j’en suis réduit à souhaiter que sa chute soit prompte et retentissante ». Maeterlinck intente un procès et envisage de provoquer Debussy en duel. Quoi qu’il en soit, en 1920, deux ans après la mort de Debussy, l’irascible dramaturge acceptera enfin d’écouter l’œuvre finissant par reconnaître qu’il avait tort. Il saluera la justesse artistique des conceptions du compositeur.

Deux caractéristiques apparemment contradictoires marquent l’opéra : la dimension onirique est dévolue à l’orchestre tandis que la voix semble appartenir au réel, parfois le plus prosaïque. Le tissu orchestral nimbe mystérieusement les voix qui s’en détachent étrangement grâce à la précision de la déclamation. Debussy privilégie la continuité en renonçant aux airs et aux ensembles. Il n’y jamais de rupture dans l’enchaînement des scènes qui sont reliées par des interludes instrumentaux nécessités par les changements de décor. Le chanteur égrène les mots d’une conversation habituelle dans un récitatif enveloppé par le jeu troublant et irréel de subtiles harmonies orchestrales. Tout se déroule dans une sorte de flot continu. Ainsi sommes-nous plongés dans un monde insaisissable, à mi-chemin entre la banalité d’un fait divers et l’inconsistance des songes. Un mari tue son jeune frère qu’il soupçonne d’être l’amant de sa femme et finit par mourir de chagrin. Rien ne nous empêche de penser qu’une telle intrigue aurait pu donner un ouvrage d’inspiration naturaliste comme Carmen (1875) ou Il Tabarro (1918) de PucciniOr nous avons un ouvrage atypique dans lequel les voix semblent prendre une plus grande autonomie par rapport à l’orchestre, mais pour mieux se soumettre à l’expression de la mobilité des sentiments des personnages : « Les personnes de ce drame tâchent de chanter comme des personnes naturelles et non pas dans une langue arbitraire faite de traditions surannées ».

Gustave Moreau, 1826-1898

Galatée, 1880, Paris, Orsay

 

 

Pierre Puvis de Chavanne, 1824-1898

Jeunes filles au bord de la mer, 1879, Paris, Orsay

 

Voilà une vidéo utile pour la découverte de l'histoire avec quelques extraits musicaux. Mais il n'est fait aucune allusion à la psychologie, les symboles ou les outils de l'inconscient