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MUSICIENNES ET COMPOSITRICES : UNE HISTOIRE EN MODE MINEUR ?
La Fabrique de l’Histoire, le 11/02/2019
Appuyé par l’ouvrage de Mélanie Traversier et Alban Ramaut : La musique a-t-elle un genre ?

Pour la couverture du livre de Mélanie Traversier, la peintre Joëlle Mariou réalise le tableau suivant :

Joëlle Mariou s'est inspirée du célèbre tableau de Guido Reni (1575-1642, Bologne), Sainte-Cécile, mais lui a retiré l'autorité de la parole, de l'expressivité, ainsi que les cordes du violons. Même si elle le voulait, elle ne pourrait pas jouer.

 

Lili Boulanger est la première femme à obtenir le prix de Rome, en 1913, avec sa cantate Faust et Hélène.
Elle est une figure clé de l’histoire des femmes musiciennes, hélas oubliée, comme tant d’autres.
Lili et Nadia sont filles de musicien. Ce premier prix en 1913 fait date, mais l’œuvre est oubliée. Les critiques sont peu élogieuses envers sa musique : "attendrissante, gracieuse…profondément féminin. Mais il faut relever la robustesse rarement familière à un âge et à un sexe si tendre".

D’un matin de printemps, 1917, Lili Boulanger.

 


Son œuvre transgresse les attendus de la part d’une femme compositrice.
Il y a donc un virilisme ?
Cela remonte à la Grèce antique. La théorie de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) sur le sexage des éléments musicaux dit qu’il y a des modes majeurs, proprement masculins, et de modes mineurs, proprement féminins. Un vocabulaire genré. Motifs féminins, formes musicales, genre aux instruments. La muse de la musique c’est Euterpe et elle est flûtiste, elle joue de l’aulos. A la Renaissance, la flûte et les instruments à vent sont interdits aux femmes.
Heureusement que, malgré tout, certaines femmes ont transgressé cet interdit et ont fait carrière en pratiquant un instrument à vent. 
Ces femmes qui ont déjoué ces interdits et ont été applaudies.

Marie-Caroline de Naples, le 13/08/1785, assiste à un concert avec des femmes concertistes, au chant et à l'instrument.
Deux sœurs musiciennes, Cecilia Davies, une chanteuse anglaise et Mary-Ann Davies, à l’Harmonica de verre.

A découvrir : Mary-Ann DAVIES et l'harmonica de verre (Glassharmonica)

 

A l’époque de Louis XIV, un phénomène unique de réussite à cette époque : A découvrir : Elisabeth Jacquet de la Guerre, 1665-1729

Prélude et Chaconne en la mineur

 




Maria Rosa Coccia, 1759-1833, née à Rome, le père Martini et ses collègues l’ont acceptée comme membre de l’Académie philharmonique de Bologne. Mozart, Grétry, tous veulent recevoir ce label, passer par l’Académie de Bologne. Mais pourtant, sa carrière a été entravée par des interdits, son œuvre a été complètement oubliée. Son talent sans cesse remis en cause, invalidé. Des musiciens l’ont défendue, mais cela n’a pas suffi. Elle termine abandonnée de tous. On se sait presque rien d’elle.


Les castrats : les femmes n’ont pas le droit de participer aux célébrations et à la musique sacrée. Pas de voix de femme à l’église ! Donc, on fait la promotion des castrats. D’abord dans les chapelles pontificales, puis princières.
Dans cette voix particulière, on y trouve des caractères masculins, des rondeurs féminines, puis de la voix d’enfant, d’homme et de femme.


A découvrir : quelques mots sur les castrats.

 


Tout un processus d’insensibilisation. Mise sous tutelle : la fille de, la femme de, la muse de…

Les experts musicaux commentent et dénigrent les femmes : « ...ce sont de très bonnes pédagogues... » (ils ne parlent pas de leurs compositions). « ...professeur de génie masculin... » pour qualifier une femme.

Mécanisme de minorisation des femmes. Reléguer les femmes à des genres mineurs. Pas des genres ambitieux comme la symphonie.

En plus, elles ont des "caractères capricieux", ont des "exigences exorbitantes des musiciennes", sont en guerre avec leurs agents pour des questions d’argent. Elles ne veulent pas être maltraitées. Inégalités dans les cachets.
Idem pour les chanteuses et castrats ! (les castrats restent tout de même les têtes d’affiche les mieux rémunérées.)
Selon les époques, les femmes sont soupçonnées d’immoralité (elles enchantent les hommes, donc les ensorcellent !)

L'ouvrage de Florence Launay, "Les compositrices au XIXième siècle", chez Fayard, est le premier ouvrage qui enquête sur le phénomène et reconstitue une cohorte de témoignages, de critiques… On y trouve les témoignages, les biographies et les productions de Julie Candeille, Sophie Gail, Hélène de Montgeroult, Pauline Duchambge, Loïsa Puget, Louise de La Hye, Louise Bertin, Louise Farrenc, Clémence de Grandval, Augusta Holmès, Pauline Viardot, Pauline Thys, Marie Jaëll, Mel Bonis, Cécile Chaminade, Louise Héritte-Viardot, Henriette Renié, Armande de Polignac, Nadia et Lili Boulanger, évoquées en détail.

On voit arriver davantage de compositrices au XIX ième siècle, comme Fanny Mendelssohn, par exemple.

Pour le plaisir et la découverte de Fanny Mendelssohn

 

 

Même phénomène pour Clara Schumann !

 

 

 

Pour le plaisir et la découverte de Clara Schumann

 

 

Le fabuleux destin de Pauline Viardot (1821-1910)

 

Hai Luli, Pualine Viardot

 


L'incontournable Germaine Tailleferre, 1892-1983, muse, mascotte, princesse des Six. « Il y en a qui disent que le groupe des 6 se composait de cinq membres et d’une membrane ».

 

Les Six chansons françaises composées par Germaine Tailleferre : chaque chanson est dédiée à une de ses amies et évoque les conditions féminines.

Pour lire les textes et se rendre compte des contenus

 

 

Si l'on a peu de traces de femmes musiciennes aujourd'hui, c'est parce qu'elles ont été peu enregistrées. Elles ont été peu programmées.

Dans des sources diverses, on reconstitue des parcours de musiciennes. Aujourd’hui, une enquête SACEM montre, par exemple, que sur l'enemble des programmations musicales, seul 1% des femmes est prévu. Pas uniquement en musique classique ! Dans tous les genres !

Le Musée SACEM propose une exposition à visiter ici

Heureusement, aujourd'hui, les lignes bougent. On organise des tables rondes sur l’inégalité dans le monde. Des producteurs, la Sacem, les maisons de disque travaillent dessus. Les femmes artistes montent au créneau.

 

Enfin, une longue liste de femmes compositrices, car elles sont nombreuses !