Classe de Terminale HDA - Musique

Le voyage des compositeurs en Italie,

XVIIième - XIXième siècles


Étape essentielle de la formation des artistes européens dès le XVIe siècle, le voyage en Italie s'inscrit dans une double perspective : enrichir l'inspiration d'après l'art de l'Antiquité et se confronter aux maîtres de la Renaissance italienne. À ce titre, il participe, d'une certaine manière, à l'essor du Grand Tour, voyage initiatique des jeunes élites à travers l'Europe. Durant trois siècles, ces échanges artistiques constituent un mouvement de formation sans égal, qui influe considérablement et durablement sur l'évolution du style, des influences, du goût. Ils permettent une réappropriation et une interprétation de l'Antiquité et de la Renaissance dans l'ensemble de l'Europe et favorisent des interactions entre les artistes qui trouvent dans les grands foyers de l'Italie non seulement des sources renouvelées d'inspiration mais aussi le moyen de survivre.

Le voyage en Italie révèle et documente également le mode de vie des artistes, soumis à la recherche de la reconnaissance et de moyens de subsistance, réunis par affinité sociale et/ou nationale, de manière informelle ou au sein de structures officielles, qui, à l'instar de l'académie de France à Rome fondée en 1666, institutionnalisent le séjour en Italie.

La question limitative interroge de ce fait, outre la nature et les conditions de la production artistique elle-même, la vie quotidienne des artistes, dans sa dimension sociale, culturelle, économique ou religieuse. À travers l'installation de certains en Italie et le retour des autres dans leurs pays d'origine, elle aborde par ailleurs l'évolution progressive de la place de l'artiste dans la société, dans sa relation à l'institution, au monde économique, au marché de l'art et au mécène, et l'élaboration d'une légitimité.

 

I. LE RAYONNEMENT MUSICAL

Durant la deuxième moitié du XVIième siècle, il se passe à Venise des choses incroyables. En cinquante ans, les principes mêmes de la musique de la Renaissance volent en éclat pour laisser apparaître la musique baroque, une musique qui rayonnera sur l'Europe pendant cent-cinquante ans. Pour en connaître les détails, nous vous proposons de jeter un oeil sur le cours suivant : le concerto.
A cela s'ajoutent les apports de Claudio Monteverdi grâce au premier opéra de l'Histoire : l'Orfeo, en 1607.
En résumé, une nouvelle musique a vu le jour, une musique vivante et moderne qui attire les jeunes compositeurs de toute l'Europe. On lit même sur les partitions allemandes, par exemple qu'il faut les exécuter "selon une manière italienne".

 

ZOOM SUR GEORG-FRIEDRICH HAENDEL

Georg-Friedrich Händel, (1685 à Halle-sur-Saale - 1759 à Westminster), est compositeur, organiste et claveciniste.

Il part pour l'Italie à l’automne 1706, (d'abord à Florence) et y passe trois ans d’éblouissement. Il arrive à Rome en janvier 1707 comme en témoigne le journal d'un bourgeois de cette ville, en date du 14 janvier :
« Un Allemand vient d'arriver dans la ville, qui est un excellent joueur de clavecin et un compositeur. Aujourd'hui, il a fait montre de son talent en jouant de l'orgue à Saint-Jean-de-Latran à l'admiration de chacun. »
C’est à Rome qu’il séjournera principalement, mais verra aussi Naples, Venise, Florence. Il découvre in situ la magie de l’opéra italien, en italien, une langue qu’il juge très musicale. A 22 ans à peine, il est le protégé de Ferdinand de Medicis à Florence.
Il se fait remarquer par ses compositions :

Dixit Dominus

 

 Laudate Pueri Dominum

 

 

Nisi Dominus

 


Il reçoit de nombreuses commandes :
- à Rome
Commande du Cardinal Pamphili : oratorio Il trionfo del Tempo e del Disinganno (création au Palais Ottoboni, Carême 1707).

 


Comme c’est le cas du peintre Poussin au XVIIè, le contact du milieu romain produit un déchaînement de l’énergie créatrice, une “furià” magnifique.
1708 : pour Pâques, Haendel compose son oratorio le plus impressionnant, La Resurrezione (Palais Bonelli de Ruspoli) : l’idée d’une partition foisonnante et spectaculaire est d’autant plus favorisée que le marquis Ruspoli souhaite impressionner le pape Clément XI, en particulier éclipser la Passione de Scarlatti, portée en triomphe quelques jours auparavant.

 

- à Florence : Haendel fait représenter son premier opéra seria italien, en Italien : Rodrigo

- à Venise : En avril 1708, il crée son opéra cynique et noir, Agrippina, commande de Cardinal Grimani (où les sublimes airs de Poppée expriment la futilité vaine mais barbare de la suffisance incarnée). Suivront 27 représentations au Teatro San Giovanni Grisostomo, (pendant le carnaval.)

- à Naples : Aci, Galatea e Polifemo, une sérénade sur un texte italien.

 

Dès lors, maître de la langue musicale, en particulier orfèvre du chant lyrique, Haendel quitte l’Italie et rejoint Hanovre dès juin 1710, comme Kapellmeister. La formation italienne si décisive pour le compositeur était achevée : il pouvait désormais en diffuser les fruits, en particulier à Londres, qu’il n’allait pas tarder à rejoindre, comme … champion de l’opéra italien (avec Rinaldo, inspiré des fureurs délirantes et fantastiques de poèmes de l’Arioste, dès juin 1711).

A présent, faisons la différence à l'oreille !

Voici trois extraits, le premier d'Antonio Vivaldi (1678-1741), le Vénitien, le second, de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), l'Allemand qui a séjourné en Italie et le troisième, de Georg Philipp Telemann (1681-1676), l'Allemand qui n'a quitté son pays que pour un séjour de huit mois à Paris, entre 1737 et 1738.

Antoni Vivaldi

Ottone in villa, 1714 à Venise - Gelosia, tu già rendi l'alma mia

Georg-Friedrich Haendel

Rinaldo, 1711 à Londres - Venti, turbini

Georg-Philipp Telemann

Emma und Eginhard oder die last-tragende liebe, 1728 à Hambourg -
Steckt Mars Den Degen Ein, So Wetzt Cupido Pfeile

 

Quelques mots sur Christoph Willibald Gluck (1714 en Bavière - 1787 à Vienne).

"À Vienne, l'empereur Charles VI impose son goût pour l'opera seria italien, Gluck décide donc en 1736 de se rendre en Italie afin de se perfectionner dans ce domaine ; il y est accompagné par le prince lombard Antonio Maria Melzi, qui l'a remarqué à Vienne. Arrivé à Milan, ce dernier décide de l'attacher à sa chapelle privée ; il le met également en relation avec le compositeur Giovanni Battista Sammartini sous la direction duquel Gluck acquiert de solides bases musicales. Pourtant, alors que son mentor pratique un art essentiellement instrumental (ce qui est somme toute rare pour un Italien de cette époque), Gluck lui, est surtout attiré par l'art dramatique. Il fait ainsi jouer son premier opéra, Artaserse (Artaxerxès), à Milan le 26 décembre 1741. Plusieurs autres suivent dans différentes villes d'Italie, il donne ainsi successivement : Demetrio (Démétrios), créé le 2 mai 1742 (Venise) ; Demofoonte, créé le 6 janvier 1743 (Milan) ; Il Tigrane (Tigrane II d'Arménie), créé le 26 septembre 1743 (Crema) ; La Sofonisba (Sophonisbe), créé le 18 janvier 1744 (Milan) ; l’Ipermnestra (Hypermnestre), créé le 21 novembre 1744 (Venise) ; Poro (Porus), créé le 26 décembre 1744 (Turin) ; Ippolito (Hyppolite), créé le 31 janvier 1745 (Milan). Ces premiers ouvrages ne nous sont parvenus qu'à l'état fragmentaire. Gluck se conforme alors à la forme conventionnelle de l'opera seria et utilise les livrets (souvent de Métastase) alors à la mode et qui sont, suivant un usage courant à cette époque, utilisés et réutilisés de nombreuses fois par différents compositeurs." Wikipedia

Gluck reste en Italie jusqu'en 1745, année de son départ pour Londres.

Il a transformé l'opéra avec sa célèbre « réforme » visant à introduire le naturel et la vérité dramatique, et qui a notamment occasionné la querelle des Gluckistes et des Piccinnistes, qui l'opposa aux piccinistes, défenseurs de l'opéra italien, sans jamais toutefois le brouiller avec qui que ce soit. Il reste l'un des compositeurs les plus importants de la musique de la période classique dans l'aire germanophone avec Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart, Karl Ditters von Dittersdorf, Franz Krommer et Carl Philipp Emanuel Bach. Il ouvre la porte au classicisme viennois dont il est le premier jalon significatif.

Gluck souhaite de l'opéra français l'idée d'une plus grande fluidité entre l'air et le récitatif pour donner une plus grande continuité au drame. Il préconise également l'introduction de grandes pages chorales ainsi que l'emploi de la pantomime dansée, suivant les nouvelles idées chorégraphiques théorisées par Jean-Georges Noverre ou Gasparo Angiolini. Enfin il propose de substituer au drame métastasien généralement fondé sur une intrigue complexe, une action qui s'appuie sur un mythe et qui est basée sur une idée morale dont le protagoniste est le symbole vivant.

La première œuvre à naître de cette collaboration et qui marque donc le point initial de la « réforme » est Orfeo ed Euridice créé le 5 octobre 1762 à Vienne.

 

 

II. LE RESSOURCEMENT MUSICAL

 

FRANZ LISZT

Franz Liszt, (1811 à Doborján en Hongrie – 1886 à Bayreuth, en Allemagne). Père de la technique pianistique moderne et du récital. Il est un musicien européen. Né en Hongrie, formé à Vienne, en Autriche, avec Czerny (autrichien) et Salieri (Italien installé à Vienne), et en France avec Paër (italien installé à Paris) et Reicha (Tchèque installé à Paris).
Sa carrière est tout aussi internationale que sa formation. Au début de sa carrière, il a sillonné l’Europe pour donner des récitals de Kiev à Istanbul et de Glasgow à Cadix. Il a été Kapellmeister à Weimar entre 1848 et 1859, compositeur de musique religieuse à Rome entre 1861 et 1869, puis à nouveau musicien itinérant jusqu’à sa mort. Cependant, dans cette dernière période, c’est moins en pianiste virtuose qu’en compositeur et pédagogue qu’il voyage.
Dans sa formation, on dégage deux axes principaux : la musique allemande et la musique italienne. Liszt en perçoit très tôt les différences. Il avait lu par ailleurs dans les années 1830 deux ouvrages qui lui sont restés chers, à savoir : Corinne ou l’Italie de Madame de Staël, et Les Souffrances du jeune Werther, de Goethe.

Les Années de Pèlerinage

26 morceaux divisés en 3 parties, en 3 cahiers composés sur plus de 40 ans.

Liszt a écrit en introduction à ses Années de Pèlerinage :
« Ayant parcouru en ces derniers temps bien des pays nouveaux, bien des sites divers, bien des lieux consacrés par l’histoire et la poésie ayant senti que les aspects variés de la nature et les scènes qui s’y rattachaient ne passaient pas devant mes yeux comme de vaines images, mais qu’elles remuaient dans mon âme des émotions profondes : qu’il s’établissait entre elles et moi une relation vague mais immédiate, j’ai essayé de rendre en musique quelques-unes de mes sensations les plus fortes, de mes plus vives perceptions… »

 

A la découverte du "pays de la musique"

 

Liszt et son épouse Marie d’Agoult voyagent ensemble.
Quelques mots sur Marie d’Agoult : Marie de Flavigny a six ans de plus que lui, (1805-1876) est mariée au comte Charles Louis Constant d’Agoult avec qui elle aura deux filles (Louise, née en 1828 et morte dans les bras de sa mère en 1834, puis Claire (1830-1912). Liszt et Marie d’Agoult se fréquentent dès 1833 mais leur passion est altérée par la mort de Louise :« Par une de ces duretés de la nature et du sort dont le cœur humain s’étonne, la perte d’un enfant, l’affliction commune, au lieu de nous rapprocher, mon mari et moi, ne fit qu’étendre entre nous la distance et le silence » Marie d’Agoult, Mémoires, 1833 -1856.
Malgré cette souffrance, elle quitte son mari, (provocant un scandale à Paris), pour le musicien en 1835. Tous deux vont se réfugier en Suisse.

Trois enfants naîtront par la suite : Blandine (1835-1862), Cosima (1837-1930) et Daniel (1839-1859).

Avant d’arriver en Italie, Liszt et Marie d’Agoult traversent la Suisse. Notons dès à présent une grande différence entre ces deux pays : le séjour en Suisse est empreint de nature. Liszt est émerveillé par la force de la nature. En revanche, en Italie, il n’y a pas de référence à la nature, mais entièrement à la culture. Voyez les titres de ses œuvres :
Suisse : Au lac de Wallenstadt – Pastorale - Au bord d'une source – Orage…
Italie : Sposalizio - Il Penseroso - Canzonetta del Salvator Rosa - Sonetto 47 del Petrarca - Sonetto 104 del Petrarca - Sonetto 123 del Petrarca – Après une lécture de Dante -  Venezia e Napoli

Ainsi, en Italie, contrairement à la Suisse, seules la culture, les arts et les lettres semblent intéresser Liszt. Dans l’une des ses Lettres d’un bachelier ès musique, il écrit à Berlioz :

« Le beau, dans ce pays privilégié, m’apparaissait sous ses formes les plus pures et les plus sublimes. L’art se montrait à mes yeux dans toutes ses splendeurs ; il se révélait à moi dans son universalité et dans son unité. Le sentiment et la réflexion me pénétraient chaque jour davantage de la relation cachée qui unit les œuvres du génie. Raphaël et Michel-Ange me faisaient mieux comprendre Mozart et Beethoven ; Jean de Pise, Fra Beato, Francia, m’expliquaient Allegri, Marcello, Palestrina ; Titien et Rossini m’apparaissaient comme deux astres de rayons semblables. Le Colisée et le Campo Santo ne sont pas si étrangers à la splendeur de la Symphonie héroïque et au Requiem. Dante a trouvé son expression pittoresque dans Orcagna et Michel-Ange ; il trouvera peut-être un jour son expression musicale dans le Beethoven de l’avenir. »

Pourtant, malgré ce constat, Liszt ne peut s’empêcher de comparer le pays avec l’Allemagne. Dans la douzième Lettre d’un bachelier ès musique, adressée au rédacteur de la Revue et Gazette musicale de Paris, il confie :

« Or, et ceci est une vérité absolue, dans aucune des villes d’Italie que j’ai parcourues il n’existe une réunion d’artistes qui sachent ou veuillent exécuter les œuvres symphoniques des maîtres. La musique de quatuor est complètement délaissée ; à l’exception des ouvertures d’opéras que l’on entend au théâtre, exécutées la plupart du temps sans verve, sans précision, sans ensemble, et d’ailleurs plus d’à moitié étouffées par le bruit des conversations, il est à peu près impossible d’entendre où que ce soit le plus petit bout de musique d’orchestre. » 

Liszt constate une sorte de décadence dans la musique italienne, surtout dans l’exécution.

« Il existe évidemment un mouvement musical en Italie ; mais, d’une part, ce mouvement n’anime que la sphère dramatique, de l’autre je dirais volontiers qu’à cette heure c’est une agitation dans le vide, un mouvement stationnaire que peut-être même on serait assez fondé à considérer comme rétrograde. […] Les opéras qui sont actuellement le plus en possession du répertoire, et font successivement le tour de ces différents théâtres, sont : Marino FalieroLucrezia Borgial’Elisir d’Amore, et surtout la Lucia di Lammermoor. Ces opéras ayant tous été représentés à Paris, il n’y aurait nulle opportunité à vous en faire l’analyse. Le système dans lequel ils sont conçus rendrait d’ailleurs cette tâche difficile et ingrate pour moi. Parfois le souffle affaibli de Rossini s’y fait encore sentir et donne à ces corps sans âme une apparence de vie ; d’heureuses mélodies qui, en Italie, courent dans l’air, comme on dit qu’à Paris l’esprit court les rues, viennent s’y placer au hasard et caressent agréablement l’oreille ; mais quiconque chercherait dans ces opéras la pensée, l’invention, la déclamation, l’expression dramatique, l’art enfin dans la sérieuse et grande acception du mot, perdrait, je crois, son temps et sa peine.  »

 

SPOSALIZIO


Sposalizio de Raphaël, 1504, Pinacothèque de Brera, Milan (à l'origine à la chapelle San Giuseppe de l'Eglise San Francesco, à Città di Castello, en Ombrie

Le tableau (huile sur bois, panneau de 170 × 117 cm) à haut cintré est divisé en trois parties. Au premier plan, se situe la scène du mariage avec le grand-prêtre qui officie au milieu et de chaque côté les époux : Marie à gauche accompagnée de cinq femmes, Joseph à droite avec cinq hommes, dont l'un plie son bâton sur son genou car resté stérile ; les autres le portent verticalement, celui de Joseph est fleuri.

Au second plan, quelques personnages parsèment la place pour rendre le tableau moins vide. Ils appuient la détermination de la grandeur de l’édifice. Le dallage comporte des rectangles de couleur ocre, alignés parallèlement chacun dans leur secteur, convergeant vers l'édifice et accentuant la perspective à point de fuite vers l'ouverture centrale traversant le temple.

Des personnages sont visibles dans les lointains à droite et à gauche, et également en haut des marches du temple.

Une tonalité fauve d’or domine dans l’arrangement des couleurs, avec des passages de rouge, de brun, de jaune, de bleu-vert foncé. Le paysage du fond, à droite comme à gauche révèle des collines et une végétation d'arbustes.

le troisième plan représente un édifice saint.

Evangile selon Saint-Luc

Pour en savoir davantage sur le tableau

 

- Le tableau insiste sur les arcs, les rondeurs ; la musique aussi (6/4)
- Les analystes fondent leurs analyses sur les cloches (pourtant, on n'en voit aucune). En revanche, ce traitement sonore (quartes et quintes, en gammes pentatonique) est omniprésent. Sans chercher les cloches, il se passe bien un événement divin (Liszt est très croyant !) ; peut-être des cloches angéliques (le point de fuite est situé au-dessus du milieu), dans le ciel.
- Il y a comme un écho (mesures 3 et 4) ; il y a un tel espace autour de la scène ! Les tièrces forment cet écho (= douceur)
- A partir de la mesure 9, l'auditeur est perdu, car les tonalités sont collées les unes aux autres sans lien logique. La tonalité correspond souvent avec la couleur, or Raphaël rompt avec les couleurs anciennes, moins éclatantes. Et puis, ce collage de tonalités permet une perspective plus prononcée.
- Les cloches accompagnent toujours.
- Après un crescendo, les cloches cessent.
- On entend à présent un cantique très doux (harmonies simples, homrythmie), comme il se doit lors d'une célébration.
- Arrive une réponse à la mesure 38. Les cloches se font à nouveau entendre, discrètement.
- Jusqu'à la mesure 68 se développe un chant d'amour tel qu'on l'entendrait à l'opéra (Italie, pays de l'opéra). Quelle tendresse !
- De la passion à la mesure 69, puis un retour au chant d'amour. Liszt se détache du tableau, mais gardons à l'esprit qu'il ne s'agit pas d'une copie musicale, mais d'une inspiration. Or, nous sommes au mariage de Marie et Joseph et dans cette optique il y a nécessairement de l'amour et Liszt dépeint merveilleusement bien les émotions et la passions au piano (autres oeuvres à découvrir !)
- Le chant d'amour revient
- Les cloches reviennent, ainsi que l'écho ; nous sommes bien dans une forme circulaire !
- Une réminiscence du chant d'amours à la mesure 116

 

 

IL PENSEROSO

Michel-Ange réalisa, entre 1519 et 1534, la chapelle funéraire des Médicis qui lui fut commandée pour la nouvelle sacristie de Saint-Laurent. Son projet était constitué de deux grands cénotaphes muraux (monuments funéraires qui ne contiennent pas de corps ! ) situés l'un en face de l'autre, de chaque côté de la pièce au dôme élevé. L'un réservé à Laurent II de Médicis, (1492-1519) (à droite), petit-fils de Laurent le Magnifique et père de Catherine de Médicis, ami des arts, décédé prématurément, à l'âge de 27 ans. L'autre à Julien de Médicis, pour lequel Michel Ange plaça les allégories du Crépuscule et de l’Aurore.

La maison Médicis est une famille patricienne de Florence dont la puissance émerge à l'époque de la Renaissance italienne entre les Quattrocento et Cinquecento (XVe et XVIe siècles italiens)
Ces tombes ne sont que des cénotaphes ; Laurent et Julien reposent ensemble dans un simple sarcophage.

Vue de la Nouvelle Sacristie avec dans le fond la tombe de Julien de Médicis, le groupe de la Madone et l’Enfant, à droite le tombeau de Julien, duc de Nemours et à gauche de son frère Laurent II de Médicis (le petit fils de Laurent le Magnifique)

 

Sous la statue figurée de Laurent assis et pensif, le coude reposant sur une chauve-souris, deux allégories, celles du Crépuscule et l'Aurore sont posées sur le sarcophage.

Comme pour l'autre tombeau, les allégories sont massives et leur musculature lourde indique que leurs modèles ont été masculins.

L'Aurore porte le voile, symbole de deuil, et en travers de la poitrine, le bandeau des esclaves et les membres du Crépuscule sont imprécis, car inachevés.

Toutes les statues ont les yeux vides, sans pupille ni iris, aveugles symbolisant le sommeil et l'oubli, l'impuissance face à la destinée.

Julien de Médicis, qui dirigeait la ville de Florence avec son frère aîné, Laurent le Magnifique, fut assassiné en 1478 lors de la conjuration des Pazzi. Ornant son tombeau, voici la Nuit, l'une des deux allégories sculptées près d'un demi-siècle après sa mort par Michel-Ange (l'autre étant le Jour sous les traits d'un vieillard)  :

A propos de cette sculpture, Giovanni di Carlo Strozzi, vers 1545, écrivit l'épigramme suivante :

« La Notte, che tu vedi in si dolci atti
Dormir, fu da un Angelo scolpita
In questo sasso e perche dorme ha vita:
Desta la, se nol credi, e parleratti. »

que Michel-Augustin Varcollier traduit dans son édition des Poésies de Michel-Ange (1826) :

« La Nuit, que tu vois dormir dans un si doux abandon, fut sculptée par un Ange ; puisqu'elle dort, elle vit : si tu en doutes, éveille-là ; elle te parlera. »

La réplique, ingénieuse et amère, de Michel-Ange est à la hauteur. Il décide de laisser la parole à la statue

:« Caro mi e'l sonno, e più l’esser di sasso,
Mentre che'l danno e la vergogna dura:
Non veder, non sentir, mi è grau ventura;
Però non mi destar, deh! parla basso. »

 « Il m'est doux de dormir ; plus doux encore d'être de marbre, dans ces temps de malheurs et d'opprobre. Ne rien voir, ne rien sentir est un bonheur pour moi : ne m'éveille donc point ; parle bas. »

Or, c'est précisément cette épigramme que l'on retrouve sur la partition de Liszt, sous forme de citation. Pourtant, le titre de l'oeuvre est bien : "Il Penseroso".

L'oeuvre musicale tient compte des deux sources d'inspiration

 

 

- Lent, sombre, grave, 4/4 : une marche funèbre
- Quintes à vide, référence ancienne, accord vidés de saveur et de couleur.
- Répétition d'une même note pour une motif formant une phrase très pauvre
- Tonalités et accords mineurs
- Tout est fait dans le dépouillement harmonique et mélodique. Pas de passion, d'effusion ; il ne faut réveiller personne.
- Modulation de la même phrase en sol en passant par des accords tendus (quinte augmentée, retard avec neuvièmes ou septièmes)
- Le temps s'allonge : deux phrases (identiques mais modulantes) de 4 mesures, une phrase de 5 mesures puis la reprise étirée de 8 mesures.
- A partir de la mesure 23 on retrouve la première phrase mais variée : on s'enfonce dans les graves (l'éternité ou le sommeil et sa profondeur ?)
- On continue de s'enfoncer à la mesure 32 avec un temps encore plus élargi.
- On reconnaît là des enchaînements que Wagner utilisera plus tard dans ses opéras
- Mesures 40 à la fin, un temps encore étiré, une dernière tension dans les accords avant de ne laisser place qu'à une seule note : do#

-On retrouve les mêmes couleurs et les mêmes harmonies plus tard dans les "Funérailles"

 

SONETTO 47 del PETRARCA

Pétrarque (Francesco Petrarca) est un poète, érudit et humaniste italien, né à Arezzo, près de Padoue, en 1304 et est mort à Arquà en 1374. Avec Dante Alighieri et Boccace, il compte parmi les premiers grands auteurs de la littérature italienne

Un poème d'amour dont le sujet est Laure de Sade, 1310-1348.

Sonnet 47

I begli occhi ond'i' fui percosso in guisa
ch'e' medesmi porian saldar la piaga,
et non già vertú d'erbe, o d'arte maga,
o di pietra dal mar nostro divisa,

m'ànno la via sí d'altro amor precisa,
ch'un sol dolce penser l'anima appaga;
et se la lingua di seguirlo è vaga,
la scorta pò, non ella, esser derisa.

Questi son que' begli occhi che l'imprese
del mio signor victorïose fanno
in ogni parte, et piú sovra 'l mio fianco;

questi son que' begli occhi che mi stanno
sempre nel cor colle faville accese,
per ch'io di lor parlando non mi stanco.


Les beaux yeux dont je fus blessé de façon qu’eux seuls pourraient guérir ma plaie, et non point le suc des herbes, l’art de la magie, ou la vertu de certaine pierre d’outre-mer,

M’ont rendu toute autre préoccupation tellement impossible, qu’une seule douce pensée satisfait mon âme ; et si ma langue est désireuse de suivre cette pensée, c’est de celle-ci et non de ma langue qu’on peut se railler.

Ce sont ces beaux yeux qui font que les entreprises de mon seigneur sont partout victorieuses et surtout contre moi.

Ce sont ces beaux yeux qui tiennent toujours en mon cœur leurs étincelles allumées ; c’est pourquoi je ne me lasse point de parler d’eux.

Comme dans les Nocturnes de Chopin, les Consolations de Liszt, on retrouve toute l'ambiance romantique dédiée à l'amour.

 

APRES UNE LECTURE DE DANTE

Fantasia quasi Sonata

Dante Alighieri (Florence 1265 - Ravenne 1321) est un poète, un homme politique et un écrivain italien. Il est le premier grand poète de langue italienne, et son livre "La Divine Comédie" est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature universelle.

Dante expliquant la Divine Comédie, (1465), par Domenico di Michelino. Représentation symbolique de l'oeuvre du poète : l'Enfer (à gauche) ; les sept cercles du Purgatoire conduisant au Paradis symbolisé par les étoiles ; à droite, la ville de Florence. (Cathédrale Santa Maria del Fiore, Florence.)

 

On est plongé dans les enfers dès le début, notamment avec l'intervalle de quinte diminuée (diabolus in musica). Suivent les incessants tourments qui ne laissent jamais respirer l'auditeur.

 

 

Le paradis commence ici :

 

La lumière scintille d'abord puis est éclatante.

 

Le retour de Liszt en Italie en 1861

Quand Liszt retourne en Italie, de 1861 à 1866, il donne une nouvelle orientation à sa carrière : composer de la musique religieuse, uniquement. Des oratorios, par exemple. Mais surtout, il enseigne la composition, il diffuse son savoir et ses connaissances germaniques aux élèves italiens ! Ainsi, la culture germanique s’installe à Rome. Liszt propose des concerts où il met à l'honneur la musique germanique, Wagner, Beethoven, Mozart, Bach... L'un de ses élèves, Giovanni Sgambati deviendra le chef de file d'une nouvelle école italienne qui relancera la musique de son pays, mais grâce aux enseignements de Liszt. En 1867; il dirige Christus de Liszt. L'oeuvre composée entre 1862 et 1866 comporte trois parties qui relatent la vie de Jésus Christ :

Première partie : Oratorio de Noël

I. Introduction
II. Pastorale « Le message des Anges »
III. Stabat Mater speciosa
IV. Pastorale « Les bergers auprès de la crèche »
V. Les trois mages

Deuxième partie : Après l'Epiphanie

VI. Les béatitudes
VII. Pater noster « L'oraison dominicale »
VIII. Tu es Petrus « La fondation de l'Église »
IX. Et ecce motus magnus « Le miracle »
X. Hosanna, benedictus « L'entrée à Jérusalem »

Troisième partie : Passion Résurrection

XI. Tristis est anima mea
XII. Stabat Mater dolorosa
XIII. O filii et filiae « Hymne de Pâques »
XIV. Resurrexit « Ressuscité »

 

 

 

 

FELIX MENDELSSOHN-BARTHOLDY

Felix Mendelssohn, (1809 à Hambourg - 1847 à Leipzig), compositeur, pianiste, chef d'orchestre allemand.

 

Dans le cadre d'un dossier de Crescendo Magazine daté du 15 juin 2020, Harry Halbreich écrit :

« …En effet, le 19 mai, après cinq mois passés au foyer familial, Mendelssohn repartait pour un périple beaucoup plus important, cette fois-ci sans but professionnel prioritaire. Son père lui dit simplement : "tu es jeune, va, découvre le monde !", et lui en donna les moyens, ce dont Félix ne manque jamais de le remercier dans sa correspondance.
Or, "le monde", c'était en l'occurrence l'Italie,
dont, depuis le mémorable voyage de Goethe en 1774-75, tout intellectuel ou artiste considérait la découverte comme essentielle à sa formation et à sa culture.
D'ailleurs, en route vers le Sud, le jeune homme fit d'abord étape à Weimar, pour revoir le vieux Goethe (ce fut leur dernière rencontre), puis il s'arrêta deux mois à Munich, toucha Vienne et, par Graz, Klagenfurt et Udine, atteignit enfin le but de ses rêves, débarquant à Venise le 10 octobre. Ce jour même, il écrit à ses parents : "L'Italie enfin ! Ce que j'ai considéré toute ma vie comme le plus grand bonheur possible a maintenant commencé, et je m'en délecte." Première impression de la cité lagunaire : la Barcarolle (Chant de Gondolier vénitien) opus 19 n°6, qui termine le premier cahier des Romances sans Paroles : il y en aura plusieurs autres tout le long de sa vie.

La barcarolle, typique de Venise est née au XVIIième siècle et est caractérisée par son balancement à 6/8  

Le 22 octobre, il est à Florence, et le 1er novembre il arrive à Rome, but du voyage, et où il séjournera jusqu'au 10 avril 1831. Ayant trouvé un délicieux logement Place d'Espagne, il y compose, découvre antiquités et œuvres d'art, mais se délecte aussi de Palestrina et d'autres polyphonies anciennes. Vers le 10 mars, arrive Berlioz, nouveau pensionnaire à la Villa Médicis, et une amitié se développe bientôt, mais Mendelssohn fréquente également peintres, sculpteurs et archéologues. C'est à Rome, le 26 décembre 1830, qu'il achève la première version de la Grotte de Fingal, dont il se déclarera bientôt insatisfait, car à son avis, "elle sent trop le contrepoint d'école, et pas assez les mouettes et la morue salée"... La version définitive, celle que nous connaissons, ne sera mise au point qu'en avril-mai 1832, à Londres...

En avril 1831, Félix quitte Rome pour aller visiter Naples et Pompei, puis, après une brève étape dans la Ville éternelle, il entreprend à petites journées son voyage de retour par Florence, Gênes, Milan (où il passe une semaine), la Suisse, dont il parcourt les montagnes à pied, Munich, Francfort et Düsseldorf. Mais il ne rentre pas chez lui, il séjourne une nouvelle fois à Paris du 15 décembre 1831 à avril 1832, puis à Londres, d'où il regagne enfin Berlin fin juin, après deux grandes années d'absence. Il rapporte d'innombrables dessins et aquarelles de ses pérégrinations, révélant un talent peu commun, ainsi que les esquisses de ses deux Symphonies.

L'Italienne sera terminée le 13 mars 1833, mais, on l'a vu, Mendelssohn ne parviendra jamais à la remanier d'une manière qui le satisfasse, tandis que l'Ecossaise, conçue dès 1829, atteindra quant à elle à une forme définitive en 1842. La publication posthume de l'Italienne explique qu'elle porte le numéro 4, le numéro 3 étant réservé à l'Ecossaise, terminée beaucoup plus tard !

Ces deux œuvres, ainsi que la Grotte de Fingal ont inauguré un genre neuf, celui du tourisme musical, des impressions de voyage qui auparavant se traduisaient plutôt sur le plan pictural ou littéraire. La Grotte de Fingal est la première grande marine musicale, que Wagner admira avant de la dénigrer. La Symphonie italienne rayonne de tout l'éclat de la lumière méditerranéenne dès son vibrant appel initial la-do dièse-la, dont le rythme amphibraque (brève-longue-brève) scande le mot "Ita-lia", selon les propres dires du compositeur. L'Andante se souvient des cortèges de pèlerins à Rome, tandis que la verve fiévreuse et endiablée du Saltarello final montre à quel point Naples a impressionné le jeune compositeur. »

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Mendelssohn, contrairement à Franz Liszt, s'intéresse moins à la culture qu'aux paysages :

« La musique, je ne l’ai pas trouvée dans l’art lui-même,
mais dans les ruines, les paysages, la gaieté de la nature »

Il est un peintre extraordinaire, également, et on retrouve dans ses aquarelles les magnifiques paysages qu'il a traversé.

Une vue de Florence

Côte amalfitaine

Vue sur le Vésuve et Naples

Cadenabbia et le lac de Côme

 

Le Symphonie n°4 en la majeur dite "Italienne", opus 90, 1833

 

Premier mouvement

Allegro vivace, en la majeur, mouvement festif

Le 1er mouvement, brillant, léger et joyeux propose un premier thème haletant, staccato et bondissant d’abord aux violons puis aux vents avant de gagner tout l’orchestre (tutti).
Suit un 2ème thème plus tendre, piano, et enfin dans le développement un 3ème thème apparaît plus rythmique. Cette partie, bien sûr pulsée est en division ternaire.

"Italia, Italia"

 

 

Deuxième mouvement

Andante con moto, en ré mineur,

Ce 2ème mouvement aurait été inspiré par les mélodies que Mendelssohn aurait entendu chanter par un chant de pèlerinage bohémien à Rome (d'ailleurs, le thème principal du mouvement ressemble également au chœur des pèlerins du deuxième mouvement de la symphonie Harold en Italie d'Hector Berlioz.) Le thème principal est légèrement scandé par des croches (créant une pulsation) à la basse.

 

 

Troisième mouvement

Con moto moderato , en la majeur, le traditionnel menuet avec trio

Le menuet rappelle les symphonies de Haydn, Mozart, mais est désuet : même Beethoven s'en est séparé au profit du Scherzo, plus vivant, plus vif, plus... italien.

 

Quatrième mouvement

Saltarello : Presto, en la mineur, une ancienne danse napolitaine

Le 4ème mouvement, le finale, Saltarello (en réalité plus proche de la tarentelle napolitaine) impétueux et diabolique, nouvelle explosion de bonne humeur. Fait rarissime dans l'histoire de la symphonie : L'Italienne, bien qu'en mode majeur, se termine en mineur. Pourtant, ce finale est d'une dynamique vivace, presque joyeuse.

 

 

HECTOR BERLIOZ

Hector Berlioz, (1803 à la Côte Saint-André - 1869 à Paris), compositeur, chef d'orchestre, critique musical.

Son père Louis, médecin, se charge personnellement de l'éducation de son fils. Hector écrit à son propos dans ses Mémoires : « Il est doué d'un esprit libre. C'est dire qu'il n'a aucun préjugé social, politique ou religieux. Pauvre père, avec quelle patience infatigable, avec quel soin minutieux et intelligent il a été mon maître de langues, de littérature, d'histoire, de géographie et même de musique ! […] Combien une pareille tâche, accomplie de la sorte, prouve dans un homme de tendresse pour son fils ! et qu'il y a peu de pères qui en soient capables ! »
Le jeune Berlioz est doué pour la musique, mais son père l'envoie à Paris en octobre 1821, quelques mois après l'obtention du baccalauréat pour y faire des études de médecine. Il suivra les cours pendant un an, tout en fréquentant le milieu musical de Paris : « Je sentis ma passion pour la musique s’accroître et l’emporter sur mon désir de satisfaire mon père ». A l'issu de cette année d'étude, il osera écrire à ses parents au sujet de son choix et se brouille ainsi avec sa famille : « Je jurai, en sortant de l'Opéra, que, malgré père mère, oncles, tantes, grands-parents et amis, je serais musicien ».
Sa mère, il n'en parle presque jamais, ou du moins pour en exposer la méchanceté : « Votre père, me dit-elle, en quittant le tutoiement habituel, a eu la faiblesse de consentir à votre retour à Paris, il favorise vos extravagants et coupables projets ! je n’aurai pas, moi, un pareil reproche à me faire, et je m’oppose formellement à ce départ ! Oui, je m’y oppose, et je vous conjure, Hector, de ne pas persister dans votre folie. Tenez, je me mets à vos genoux, moi, votre mère, je vous supplie humblement d’y renoncer… Et, après un instant de silence : « Tu me refuses, malheureux ! tu as pu, sans te laisser fléchir, voir ta mère à tes pieds ! Eh bien ! pars ! Va te traîner dans les fanges de Paris, déshonorer ton nom, nous faire mourir, ton père et moi, de honte et de chagrin ! Je quitte la maison jusqu'à ce que tu en sois sorti. Tu n’es plus mon fils ! je te maudis ! »… et je dus m’éloigner sans embrasser ma mère, sans en obtenir un mot, un regard, et chargé de sa malédiction ! ».

Hector se lance pleinement dans la composition.

Après avoir suivi des cours particuliers il entre au conservatoire de Paris en 1826. Et il obtient en 1830 le prestigieux Prix de Rome, (après cinq tentatives). Dans une lettre datée du 12 août 1829 adressée à sa soeur Nancy, il explique : « Que veux-tu que je te dise, ma pauvre sœur, ce maudit concours ne m'intéressait que pour mon père. »

La récompense de ce prix est un séjour de deux ans à Rome, à l'Académie de France (la Villa Médicis). Mais Berlioz n'a pas du tout envie de s'y rendre : Après de vaines démarches pour être dispensé du séjour à Rome récompensant les lauréats, c'est donc contrarié que Berlioz quitte Paris le 30 décembre 1830.

Par rapport à ce que Berlioz trouvait à Paris l’état de la musique en Italie faisait assez piètre figure et ne pouvait aiguiser son instinct musical. Pas d’orchestres, pas de concerts, de mauvais théâtres – et la mesquinerie de la musique à St Pierre détonnait avec la grandeur de l’édifice. La seule musique à retenir son attention était la musique populaire des campagnes italiennes et à Rome, dont on retrouvera des traces dans ses œuvres ultérieures, notamment Harold en Italie et Benvenuto Cellini.
Berlioz écrit très peu en Italie ; il profitera plutôt de la découverte des alentours (Rome, Naples), des paysages qu’il gardera en mémoire et qui l’inspireront plus tard.
Cependant, il aboutira à l’écriture de quelques pièces comme l’Ouverture du Roi Lear, la Méditation religieuses pour chœur et orchestre, le Quartetto e coro dei Maggi, la mélodie La Captive, il remanie quelques passages de la Symphonie Fantastique écrite à Paris,

Il visitera plusieurs grandes villes (Gênes, Florence, Nice, Milan, Turin, mais pas Venise).
Il évoque cet épisode de sa vie comme un exil, et pourtant, bien plus tard il en parlera avec nostalgie.

L’atmosphère et le coloris méditerranéen que l’on trouve dans tellement d’œuvres écrites par la suite – Harold en Italie, Benvenuto Cellini et l’ouverture du Carnaval romain, Roméo et Juliette, Béatrice et Bénédict – remontent évidemment au séjour en Italie.

Pour Berlioz, les souvenirs d’Italie les plus durables ne concernent pas en premier lieu la musique. Jamais plus il n’aura la même liberté que celle dont il jouit en Italie comme lauréat du Prix de Rome ; citons les Mémoires (chapitre 37) :
« Cruelle mémoire des jours de liberté qui ne sont plus ! Liberté de cœur, d’esprit, d’âme, de tout ; liberté de ne pas agir, de ne pas penser même ; liberté d’oublier le temps, de mépriser l’ambition, de rire de la gloire, de ne plus croire à l’amour ; liberté d’aller au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest, de coucher en plein champ, de vivre de peu, de vaguer sans but, de rêver, de rester gisant, assoupi, des journées entières, au souffle murmurant du tiède Scirocco ! Liberté vraie, absolue, immense ! O grande et forte Italie ! Italie sauvage ! insoucieuse de ta sœur, l’Italie artiste. »

 

En lire davantage

 

HAROLD EN ITALIE

Symphonie en quatre parties avec alto principal

Harold en Italie par France Musique

 

Harold aux montagnes : scènes de mélancolie, de bonheur et de joie (Adagio-Allegro)

 

Marche des pèlerins chantant la prière du soir (Allegretto)

 

Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse (Allegro assai-Allegretto)

 

Orgie de brigands. Souvenirs des scènes précédentes (Allegro frenetico-Adagio)

 

 

VENISE et son CARNAVAL

 

André Campra, (1660-1744)

Le Carnaval de Venise, 1699

Diapason – janvier 2011 – Carnaval démasqué

“Quand la musique est nécessaire mais non plus suffisante. Dans la veine de l’Europe galante, succès le plus retentissant de l’Académie royale de musique depuis la disparition de Lully, Le Carnaval de Venise du même Campra mêle genres, styles et langues, flattant le goût du public pour l’exotisme, précisément sa fascination pour la Sérénissime, lieu de plaisirs et de liberté fantasmés. Comme un antidote à la pieuse austérité imposée à Louis XIV, et donc à la cour, par madame de Maintenon.

L’intrigue reprend le canevas de la comédie italienne, dans laquelle le librettiste Jean-François Regnard était passé maître : un couple volage, Isabelle et Léandre, déchaîne la jalousie de Léonore et Rodolphe. Mais le divertissement joue les trouble-fête, rompant sans cesse la continuité d’un drame qui menace de tourner au tragique. Et prête ainsi constamment le flanc à la parodie : celle des stéréotypes de la tragédie en musique ou de l’opéra italien, mis en abyme dans l’acte III avec la représentation d’Orfeo nell’inferni signé … Campra !

 

Franz Liszt

La Lugubre Gondole

L'œuvre a été conçue peu de mois avant la mort de Richard Wagner, à Venise où Liszt s'était installé pendant l'hiver 1882-1883.

 

 

 

Richard Wagner, (1813-1883, mort à Venise)

En 1883 Richard Wagner et sa femme Cosima louent le Palais Vendramin sur Le Grand Canal. Un chant de gondolier à la tombée du jour lui inspire le début du 3ème acte de Tristan.

 

 

Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893) et la quatrième symphonie

Les trois premiers mouvements furent composés à Venise, lorsque Tchaïkovski séjournait à la chambre 106 du Londra Palace (l'Hôtel Beau Rivage à l'époque) du 2 au 16 décembre 1877. Il comptait appeler sa symphonie "Do Leoni" (Les Deux Lions) en honneur du lion de Saint Marc et du lion rampant anglais.

Le deuxième mouvement, Andantino in moda di canzona