Le Tango

Surgi il y a plus de cent ans des bas-fonds de Buenos Aires,  ville Argentine qui grossissait comme une boule de neige, le tango a traversé le XXe siècle en déchaînant les passions. Fusion des cultures d’immigrants qui s’étaient retrouvés sur les deux rives du Rio de la Plata (Argentine et Uruguay), il s’est transformé en art tentaculaire, absorbant en un élan, danse, musique et poésie.

Fondée en 1536, Buenos Aires peut se flatter d’une certaine ancienneté. Le territoire que nous appelons aujourd’hui Argentine était l’une des arrières-cours négligées et faiblement peuplées de l’immense empire espagnol d’Amérique. Sa vaste Pampa offrait un terrain idéal à l’élevage du bétail et à l’agriculture.
Vers 1870, la Pampa était encore essentiellement peuplée d’Indiens Araucans (Chili), mais était également l’habitat naturel des nomades des plaines, les fiers cavaliers gauchos.

un Araucan :

Un Gaucho :

Les pressions de la civilisation et les exigences de la croissance économique, exerçaient une forte contraintes sur le style de vie indépendant des gauchos. Ces derniers disparaissent vers la fin du XIXè siècle.
Dès 1880, Buenos Aires devient capitale fédérale, et le président de l’Argentine, le général Julio Argentino Roca, « nettoie » le Pampa des Indiens Araucans, ouvrant ainsi un immense domaine à l’extension de l’élevage et de l’agriculture. Avec une forte croissance des exportations de bœuf et de céréales, l’adoption de moyens de communications modernes (bateaux à vapeur, chemins de fer et télégraphe), l’Argentine se trouva, au cours des années 1920, parmi les pays les plus riches du monde.
Ce pays faisait alors figure de terre promise, juste après les Etats-Unis. La moitié de la population venait d’Italie, un tiers d’Espagne. Sa population passa de 180 000 habitants en 1869, à 1 500 000 en 1906 ! Et 70% étaient des hommes.

Un port en 1885.
Marchandises et immigrants traversent l'Atlantique sur des trois mats.

Emigrants à la porte du "Cafe y Billar EL TROMPEZON"


Buenos Aires connaît à la fin du XIXe siècle un essor démographique extraordinaire. De 250 000 habitants en 1880, cette jeune capitale en abrite 1 500 000 en 1906. La population pauvre est alors poussée vers la périphérie de la ville, dans les conventillos, de grands immeubles populaires où s’entassaient les immigrants et les paysans des provinces. C’est là que naît le tango, comme une fusion de formes d’expressions opposées. Cette musique réussira la symbiose des nostalgies et des espoirs des étrangers et des Argentins eux-mêmes, tous hantés par la douleur du déracinement et le regret d’un paradis perdu.

L’origine du tango et mal connue. On peut supposer un mélange de différents composants comme la Habanera de Carmen, car depuis la première moitié du XIXe siècle, les marins antillais la répandaient à Buenos Aires. Le rythme balancé de la Habanera, la mesure à 2/4 ne sont sans doute pas étrangers au tango que l’on connaît aujourd’hui.

Ecoutez le début, avec Victoria De Los Angeles dans le rôle de Carmen et l’Orchestre National de la Radiodiffusion Française sous la direction de Sir Thomas Beecham, un disque EMI.


Parallèlement, les Noirs Africains amènent les pulsations du Candombé, dansé au son des tambours.

Les Noirs, les plus jeunes en particulier, abandonnèrent le candombé au profit des danses européennes comme la polka et la mazurka, sans doute pour faciliter leur intégration sociale. Et tandis qu’ils se mettaient aux danses blanches, certains Blancs parcouraient le chemin inverse, en imitant les pas et les mouvements des danseurs afro-argentins.
Sur l’illustration suivante, datée de 1879, nous avons une fête gaucho, avec un duo entre gaucho et noir-africain.

Vers la fin des années 1870, les Afros-Argentins de Buenos Aires improvisèrent une nouvelle danse qui présentait certaines similarités avec le candombé et qu’ils appelèrent « tango ».
Les compadritos en empruntèrent des éléments et les incorporèrent dans la danse qu’ils pratiquaient à l’époque, la milonga. Et c’est, en fait, cette milonga qui allait, peu à peu se transformer en tango, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
La caricature suivante montrant un couple de Noirs dansant « el tango », est parue dans un journal argentin en 1882.


Ces rythmes et ces timbres traverseront le siècle, puisqu’on les trouvera encore aujourd’hui dans de nombreux enregistrements.

Barbara Luna chante « Cantombe de mi pago ». elle est accompagnée par Hector Gomez aux percussions, Juan Carlos Caceres au piano, Gipi Cremonini à la contrebasse et Hugo Diaz à la guitare criolla, un disque Celluloid.


L’ensemble de ces composants aboutit à la Milonga, le véritable ancêtre du tango.

La Milonga, très proche du Candombé, est rapide avec une chorégraphie en couple. Cette danse a vite conquis les milieux populaires de Buenos Aires. Et même si elle engendre le tango, elle restera elle-même une forme indépendante, si bien que de nombreux auteurs et compositeurs ont écrit des milongas, indépendamment du tango. Voici une milonga dans le style des années 20, « Milonga al Toque », par le Trio Pantango ; un album Arc Music.

Découvrez la Milonga aujourd'hui, en vidéo: Milonga dans les rues de Buenos Aires

Le premier tango daterait de 1880. Il s’appelle Dame la lata (donne-moi le jeton) de Juan Pérez, ce qui nous permet de comprendre dans quelles circonstances est né le tango et il a évolué à ses débuts. En effet, la lata était le jeton métallique que la tenancière du bordel remettait aux filles  pour chaque client. Pour prélever sa part, le souteneur disait à sa protégée : « Dame la lata ».

L’étymologie du mot tango est très contestée. Pour certains, le mot tango viendrait des Tangos, les tambours des Noirs de Buenos Aires ou également les lieux où ces derniers dansaient, pour d’autres, du latin tangere, au présent tango, je touche ou aussi du verbe français tanguer, comme un bateau, mouvement évocateur de la danse.

Le tango est au départ, une affaire d’hommes. L’homme solitaire, célibataire, arrivé sans famille à Buenos Aires, danse le tango dans les faubourgs. Il s’entraîne avec ses compères avant d’aller retrouver une femme dans un des nombreux lupanars. Il n’était d’ailleurs pas rare d’observer dans la rue, des couples d’hommes qui travaillaient leurs pas de danse.




Le tango s’impose cependant assez rapidement comme une danse homme-femme. Les premières partenaires qui s’y risquent sont les chinas cuarteleras, prostituées venues des provinces.


Juan José Sebreli témoigne : « A l’intérieur, les chambres donnent sur un patio aux carreaux couleur brique, où les hommes se tiennent assis ou forment des groupes. Dans une très grande salle, aux murs ornés de miroirs, dans la fumée et la lumière rouge, un trio –piano, violon, flûte, exécute de fougueux tangos aux paroles pornographiques. »

Mais le tango triomphe avant tout dans les conventillos. Samuel Gache, ouvrier à Buenos Aires, écrit en 1900, dans «  Les Logements » :

Quiconque a pénétré une fois dans un de ces antres de misère qu’on appelle à Buenos Aires un conventillo, en a rapporté une si douloureuse impression que jamais il ne pourra  l’oublier. Rien n’est plus immonde, plus répugnant que ce tableau de pauvreté, de saleté, de l’immoralité dans lequel le naturalisme s’étale au grand jour dans toute sa laideur.










Si l’importance de l’afflux des immigrants engendra une transformation culturelle de l’Argentine et, en fait, une quasi-remise à plat de la culture nationale, elle favorisa également, une certaine insécurité dans les quartiers populaires, et notamment avec la prolifération des compadres et des compadritos :


Ces personnages pourraient avoir hérité de certaines attitudes des gauchos, tout en en adoptant  d’autres venues d’Europe. Ils avaient l’habitude de régler leurs différents au couteau. Ces jeunes vauriens des taudis de Buenos Aires fréquentaient les cafés mal famés, les bars et les bordels. On les reconnaissaient à leur tenue désinvolte, leur chapeau gris, leur foulard autour du cou, leurs bottines à hauts talons, et bien sûr, à leur couteaux.



Enfin, sur le plan musical, on trouvait à Buenos Aires, différents styles et types de musique, à savoir la valse, la polka, la mazurka et la scottish.
Mais également la habanera espagnole qui semble avoir joué un rôle dans l’émergence d’une danse argentine, à savoir la milonga, très populaire chez les compadritos.

Sur cette illustration, nous pouvons observer un groupe de cochers, photographi és en 1906. Ces cochers étaient tous d’authentiques compadritos, et celui de droite joue de la guitare, le premier instrument d’accompagnement du tango :

Ecoutez Alberto Amor accompagné par l’orchestre de Rodolfo Biagi, dans un Candombé intitulé « Flor de Monserrat », un enregistrement de 1945 pour Odéon.


En 1904, il y a, à Buenos Aires, 2 462 conventillos abritant 138 188 personnes, soit  14 % de la population urbaine. Hors de ces murs, c’est grâce à l’orgue de Barbarie porté par un homme ou tiré par un cheval, que se propage le tango. Des bals s’improvisent alors dans la rue, et le tango sera même enseigné dans les academias (des salles de danse populaire).

Musiciens de rue en 1927 :


Et du tango populaire à l’aristocratie, il n’y a qu’un pas. En effet, les fils de bonne famille ne pouvaient supporter, sous peine de se considérer comme dépassés ou ennuyeux ou idiots, de ne pas connaître les bas-fonds.  Les jeunes vont donc dans le parc Palermo où avaient surgi, à la fin du XIXe siècle, des guinguettes mal famées : Chez Hansen, El Velodromo et El Tambito, qui vont devenir des hauts lieux du tango. Ces guinguettes marquent la conquête du centre urbain par cette musique des banlieues.

Aujourd’hui encore, la rue de la Reconquista, au centre de Buenos Aires, est appelée « la rue qui ne dort jamais ». C’est là que le tango a trouvé un chaleureux accueil vers 1910 :


Au tournant du XXe siècle, la musique de Buenos Aires vit sa première révolution ; en rupture avec le passé, le tango se mue en une musique autonome. C’est le début d’un répertoire, la naissance d’une école, la Guardia vieja, la Vieille Garde.
C’est le temps des compositions qui affirment la base du tango.
El Entrerriano de Rosendo Mendizàbal, 1897
DonJuan de Ernesto Ponzio, 1898
El Sargento Cabra de Manuel Oscar Campoamor, 1899, premier tango enregistré par la Garde Républicaine de Paris en 1907,
Union civica de Domingo Santa Cruz, 1904
La Morocha d’Enrique Saborido en 1905, chantée par Haydée Alba avec Gustavo Beytelmann au piano, Omar Espinosa à la guitare, Par Arne Glorvigen au bandonéon et Hubert Tissier à la contrebasse ; une Collection Playa Sound


La figure dominante de la Guardia vieja demeure Angel Villoldo, surnommé Villoldo le Grand ou le Père du Tango.




On lui doit le très célèbre El Choclo, l’épi de mais, écrit en 1903.





Et la fameuse Cumparsita, oeuvre écrite en 1916 par un jeune étudiant en architecture, Gerardo Hernán Matos Rodriguez, fait toujours le tour du monde. Ecouter la « Cumparsita », dans la version instrumentale de Ciriaco Ortiz, avec Ortiz lui-même au bandonéon.


La Guardia veija aura apporté au tango divers éléments particulièrement importants.

Le bandonéon, cet instrument d’origine allemande, destitue la flûte et ses accents aigus pour imposer les sonorités graves, une lenteur que le tango avait ignorée jusque-là, une nostalgie sentimentale.
Inventé par Heinrich BAND (à qui il doit son nom) à la fin des années 1840, le bandonéon procède essentiellement du concertina, dont il représente une version améliorée. Son étendue est importante et aucun clavier ne comporte d'accord préparé, comme l'accordéon.


Le timbre si particulier de cet instrument provient de la forme des anches et du registre utilisant simultanément deux lamelles (2 sons) accordées à l'octave pour une même touche.


Vers 1865, parmi les équipages et les immigrants qui débarquaient régulièrement au port de Buenos Aires se trouvait un marin qui transportait avec lui un drôle d’instrument.
L’origine du matelot demeure incertaine, mais nous savons que l’instrument venait d’Allemagne et qu’il portait le nom de bandonéon en l’honneur de son inventeur. Sitôt débarqué  en Argentine, le bandonéon s'intègre au tango et remplace vite la flûte dans les orchestres. Cet instrument changea complètement la physionomie musicale du tango. Avec lui, le tango perdit son aspect badin et tapageur et adopta une attitude sévère et cadencée. Il se libéra de ses fioritures pour ne garder que l’essentiel de son propos. Le bandonéon devint ainsi le conteur officiel de la mélancolie et de l’amertume du portègne, c’est-à-dire l’habitant de Buenos Aires.

Sebastian Ramos Mejia, conducteur d’un tramway à chevaux, est l’un des premiers à en jouer, vers 1890, dans les cafés et conventillos, pour gagner quelques sous.


Un cheminot, Domingo Santa Cruz en est le premier virtuose.



Il est évident que le bandonéon apporte une touche tout à fait originale, puisqu’il n’a aucun précédent. Le bandonéon n’a pas d’histoire, contrairement au piano ou au violon. Il n’a ni maître, ni méthode, ni répertoire ; tout est à créer.
Aujourd’hui encore, le bandonéon est si bien intégré qu’il donne l’impression de convertir en tango toutes les musiques qu’il joue.
L’histoire du tango sera marquée pas de grands bandonéonistes :
Eduardo Arolas, Augusto Berto, Pedro Maffia, Vicente Greco, Pedro Laurenz, Ciriaco Ortiz, Osvaldo Ruggero, Osvaldo Fresedo, Anibal Troilo, Leopoldo Federico, Astor Piazzolla.

L’orchestre détrône les trios d’antan, et les musiciens professionnels apportent leur technique et leur culture.
L’orquestra tipica, formation phare du tango, est apparu en 1913, dans le luxueux cabaret El Armenonville, à Buenos Aires :


Il rassemble bandonéons et cordes pour la ligne mélodique, ainsi que piano et contrebasse pour scander le rythme binaire. L’ensemble le plus répandu comprenait quatre bandonéons, quatre violons, une contrebasse et un piano.

Ecoutez le timbre très particulier de l’Orchestra tipica des années 20, sous la direction de Miguel Villasboas, enregistré en 1993 pour Sondor. La milonga « Luz Verde »


Sur l’illustration suivante, Roberto Firpo dirige son orchestra tipica au cabaret des Ambassadeurs, en 1936 :



L’Orchestra tipica « La Porteñica », en 1933. De 1920 au début des années trente, les orchestres féminins jouaient dans les salons de thé, le cafés, les bars et aussi lors de mariages ou de soirées dansantes. Ils ne furent jamais enregistrés :

C ’est le pianiste Roberto Firpo qui impose son instrument, en remplacement des flûtes et de la guitare. A cause du piano, le tango est maintenant sédentaire, et lié aux salles de danse.
Francisco Canaro a systématisé, dès 1917, la contrebasse qui gère le tempo. Plus tard, le grand chef et bandonéoniste Anibal Troilo impose violoncelle et alto.
Les tangos que l’on jouait jusque-là à l’oreille apparaissent vers 1910 sous forme de partition, on invente le droit d’auteur, l’industrie du disque s’empare de cette musique et les instrumentistes s’endimanchent : smoking ou costumes trois pièces sont de rigueur. L’industrie du disque amène les artistes dans les grandes villes du monde.

Un gramophone dans une boutique de cireurs


Un cabaret de Buenos Aires (1924)


Le 6 septembre 1936, on danse le tango dans les rues de Buenos Aires pour fêter le 400e anniversaire de la cité.


« Les porteños sont des Italiens qui parlent espagnol, pensent qu’ils sont Anglais et rêvent d’être Français. »



Paris est conquis ; la tangomanie envahit la ville. Les professeurs de tango ont pignon sur rue. Le Figaro écrit dès 1911 « Ce que nous danserons cet hiver sera le tango argentin, une dans gracieuse, ondulante et variée. »


De New York à Moscou, le tango triomphe. Le Pape Pie X demande qu’on lui fasse une démonstration, pour s’assurer qu’il ne mérite pas de figurer dans l’Index, catalogue des œuvres interdites :


En 1917, se produira un événement tout à fait nouveau : l’apparition du tango chanté. Le chanteur et compositeur Pascual Contursi (1888 – 1932) accole un texte à une partition de Samuel Castriota intitulée Lita. Ainsi naît Mi Noche triste.
Le tango d’antan n’était pas dénué de paroles, mais celles-ci étaient très sporadiques et en relation étroite avec le vocabulaire et le jargon des bordels. A partir de Pascual Contursi, la chanson parle de l’univers urbain, des amours trahies, des chagrins. En conjuguant l’érotisme du bal et les détresses quotidiennes, le tango acquiert une dimension existentielle.

Un extrait traduit de la chanson :
_Morne qui m’a largué au meilleur de ma vie laissant mon âme meurtrie…
Et plus loin…
_Si tu voyais le plumard comme il est en pétard de plus nous voir tous les deux.

Le metteur en scène Elias Alippi inclut cette chanson dans le premier acte de Los Dientes del perro (les dents du chien), pièce de José GonzalesCastillo et Weisbach, dont la première a eu lieu à Buenos Aires, le 26 avril 1918. Le rideau se lève sur le cabaret où l’actrice Manolita Poli chante Mi Noche triste. C’est un succès immense. Tout Buenos Aires reprend en chœur le tango.

Ecoutez « Mi Noche Triste » par l’Orchestre d’Anibal Troilo et la voix d’Edmundo Rivero, cette fameuse chanson de Pasual Contorsi dont Carlos Gardel s’empara en 1917 pour bouleverser Buenos Aires et entamer véritablement se carrière que l’on connaît.


L’ère poétique du tango, qui connaîtra son apogée dans les années 1930-1940, est ouverte, et la séduction exercée par ses interprètes fait du chanteur, son héros.
Et c’est tout naturellement que Carlos Gardel est mené aux nues.

« Mi Buenos Aires Querido », un tango qui a fait le tour du monde, écrit et chanté par Carlos Gardel, sur un texte de Lepera :

Carlos Gardel

Le tango, c’est lui. Né à Toulouse, mais élevé dans les quartiers de Buenos aires, Carlos Gardel (1890-1935) s’impose très vite comme étant la voix du tango. Il chante, compose, tourne des films pour les plus grands producteurs d’Europe et des Etats Unis, enregistre des centaines de chansons et permet ainsi d’exporter la tango-mania dans le monde entier. Aujourd’hui encore, cinquante ans après sa disparition dans un accident d’avion, la statue élevée à son souvenir à Buenos Aires tient une cigarette allumée qu’entretiennent en permanence les inconditionnels venus du monde entier.

Ecoutez encore une chanson de Carlos Gardel : « El dia que me quieras », composé et chanté par Gardel, d’après un texte de Lepera :



Carlos Gardel est né le 11 décembre 1890 à Toulouse, dans le sud de la France. Il s'appelle à l'époque Charles Romuald Gardès, fils de Marie Berthe Gardès. Il arrive à Buenos Aires à l'âge de 2 ans avec sa mère, célibataire de 27 ans, repasseuse de profession, partie du port de Bordeaux pour tenter sa chance dans le Nouveau Monde comme de nombreux immigrés à l'époque.


Il passera son enfance dans le quartier du "Mercado de Abasto" où ses amis le surnommeront "El Francesito" (le petit français) et ensuite "El Morocho de Abasto".
Très rapidement il va devenir chanteur dans les cafés pour gagner quelques pièces de monnaies. On apprécie dès alors le timbre de sa voix, et Carlos Gardel parvient très vite à se faire une réputation dans les bars populaires de la capitale Argentine.
En 1911, à 21 ans, il fait connaissance de José Razzano, surnommé "El Oriental" (L'Oriental) en raison de son origine uruguayenne, et avec lequel il va former un duo chantant des chansons créoles.
C'est à cette époque que Carlos va changer son nom par celui qui le rendra célèbre dans le monde entier : Gardel.
En 1912, il enregistre 15 chansons sous le label de Columbia Records, sur lesquelles il s'accompagne lui-même à la guitare.
C'est en 1917 qu'il est reconnu comme véritable chanteur de Tango en interprétant la chanson "Mi noche triste" (de Samuel Castriota et Pascual Contursi), étant donné que jusqu'à lors, le tango était surtout musical et sans paroles.
La même année Carlos Gardel joue pour la première fois dans un film, "Flor de durazno", et commence véritablement sa carrière discographique en compagnie de José Razzano sous le label de Disco Nacional. La chanson la plus connue de ce disque sera "Cantar eterno" de Angel Villoldo.

Dans les années 20, Carlos Gardel va amener le tango en Europe, en se rendant célèbre en France et en Espagne.
Le public de Buenos Aires l'a adoré. Il ne lui reste plus qu'à charmer l'Europe. Il fait un triomphe à Madrid puis à Barcelone, où sur les planches du théâtre Goya et du Grand Théâtre des Ramblas il est couronné comme le roi du tango. Le succès se confirme ensuite à Paris, plus exigente, mais Carlos Gardel va conquérir sans problème le public parisien.
Sa voix pleine de magie va également triompher plus tard à New York.

Dans les années 30 il est reconnu dans de nombreux pays, en Argentine, sa patrie d'adoption, en Uruguay et dans plusieurs pays européens. En raison de cette notoriété, l'entreprise cinématographique Paramount Pictures l'engage pour tourner 4 films à Joinville en France.

Entre 1934 et 1935 il part à la conquête du marché nord américain et enregistre 2 disques aux Etats Unis. Il chante à la radio et joue dans des films qui auront beaucoup de succès et lui permettront d'étendre sa renomme sur tout le continent américain en tant que chanteur.
En 1934, Carlos Gardel est à New York pour jouer dans le film "El día que me quieras". Il fait connaissance d'un jeune argentin de 13 ans qui habite New York et qui joue du Bandonéon : Astor Piazzolla, autre personage mythique duquel nous parlerons plus tard.


Il se lie d'amitié avec ce gamin qui "joue du bandonéon comme un gallego (espagnol)", selon ce que lui confie Carlos Gardel, et Astor Piazzolla lui sert d'interprète, ne connaissant pas l'anglais. La star l'emmène un peu partout et même aux studios de la Paramount où il lui confia le rôle de Canillita (petit vendeur de journaux) dans le film "El día que me quieras".
A la fin du tournage, Carlos Gardel organise une fête avec les argentins et urugayens vivant à New-york, et à la fin de la soirée il demande à Astor Piazzolla de l'accompagner au bandonéon pour chanter "Arrabal amargo". Les invités présents sont sous le charme et applaudissent à tout rompre le duo.


Carlos Gardel part ensuite à Hollywood. Il sollicite la venue de Astor Piazzolla, mais celui-ci étant mineur, il n'obtient pas l'autorisation pour entreprendre le voyage. Les destins des deux grandes figures du Tango allaient donc se séparer, mais cette rencontre influencera de manière décisive la carrière du jeune Astor.
Il fait ensuite une tournée en Amérique centrale et en Amérique du Sud en 1935, passant par Puerto Rico, Aruba, Curaçao, le Venezuel et la Colombie où le destin va mettre fin de façon tragique à sa vie.
La mort de Carlos Gardel
Le lundi 24 juin 1935, l'avion dans lequel il voyage s'écrase près de Medellin en Colombie, et Carlos Gardel meurt au sommet de sa gloire. Il est enterré dans le Cimetière de la Chacarita à Bunos Aires. Sa tombe est visitée par des admirateurs venant des quatre coins du monde.
La qualité de sa voix et sa mort prématurée vont être les éléments déterminants qui feront de lui un mythe populaire. Tous ceux qui parlent du tango ou entendent parler de cette musique vont l'associer immédiatement à son nom. Carlos Gardel incarne désormais et de façon indiscutable le tango.

Première vidéo : El dia que me quieras
Deuxième vidéo : Por una cabeza
Troisième vidéo : Volver

Anibal Troilo : "Pichuco" ou "El Gordo"(1914-1975)


Anibal Troilo, surnommé "Pichuco" par son père, découvre sa vocation pour le bandonéon à l'âge de 10 ans alors que sa mère aurait souhaité qu'il suive des études de pharmacien. Il joue en public dès l'âge de 11 ans, se produit dans différentes formations dont l'orchestre des "señoritas" en 1927, Alfredo Gobbi puis Juan Maglio en 1929.
Il intègre ensuite le sexteto de Elvino Vardano & Osvaldo Pugliese (1930), la Orquesta Tipica Victor (1931), Julio de Caro (1932), ...., Angel d'Agostino (1934), Juan d'Arienzo (1935), ...
Il écrit son premier tango en 1933, Medianoche.
De 1930 à 1937 il jouera sous la direction d'Osvaldo Pugliese, de Julio de Caro et Juan Carlos Cobian.
Il créé en 1937 sa propre formation, il n'a que 23 ans et sa formation existera pendant plus de 35 ans, jusqu'en 1974, un an avant sa mort.
Il fait ses débuts à la radio El Mundo en 1940 et intègre le jeune Astor Piazzolla à sa formation.
Depuis la mort de Carlos Gardel (1935) les chanteurs étaient cantonnés aux refrains, Troilo va leur redonner une place importante dans l'orchestre.
Pour "El Gordo" (Le Gros), son second surnom, tous les instruments étaient d'égale importance, même les voix étaient considérées comme des instruments et ne devaient en aucun cas masquer le rythme. Véritable musicien, il a su s'entourer d'artistes de qualité, de chanteurs de renoms et des meilleurs paroliers.



Troilo a toujours joué à l'intention des danseurs, alternant la ligne mélodique et la ligne rythmique. Son succès auprès des milongueros a été constant et durable.
Son répertoire est très riche et il a composé plus de 40 tangos dont : Barrio de Tango, Pa'que Bailen los Muchachos, Sur, Che Bandonéon, Romance de Barrio, ...
Il disait qu'il mourrait en jouant Quejas de bandoneon. Ce fut presque vrai.

On dit que c'est Ciriaco Ortiz qui a le plus influencé son style d'interprétation, avec sa manière de faire parler l'instrument, sa capacité à émouvoir en étirant les notes des phrasés. Sa musique offre plusieurs plans parfois contradictoires : d'un côté, un rythme souvent rapide, adapté à la danse ; de l'autre le jeu plus introverti de Troilo au bandonéon. Ce second aspect l'emporte selon nous vers la fin de sa vie, caractérisée par un ralentissement rythmique et un accroissement de l'amplitude orchestrale.

"No hay tango viejo ni tango nuevo. El tango es uno sólo. Tal vez la única diferencia está en los que lo hacen bien y los que lo hacen mal." (Aníbal Troilo)



Première vidéo : Anibal Troilo
Deuxième vidéo : Anibal Troilo et son orchestre

Le tango, une pensée triste qui se danse.

Maurice Béjart donne la définition suivante :
_Un minimum d’explications, un maximum de sensations.


La chorégraphie du tango s’est sophistiquée pour devenir, dans sa forme extrême, un spectacle acrobatique de virtuoses formés à la barre classique.
Les premières étoiles du tango sont le métis Santillan et Benito Bianquet, « El Cachafaz », deux Portègnes, c’est-à-dire habitants de Buenos Aires, qui se mesurent, au début du siècle, en un légendaire duel de cortes et de quebradas, figures typiques.

El Cachafaz est réputé pour être le meilleur danseur de tous les temps.

Il y a trois styles différents : le tango du faubourg, celui qui se danse en coups de hanches et mouvements provocants, le tango d’élégance et de compas, le plus complexe, dansé dans les salons, et enfin, le tango fantaisie, qui a engendré le tango spectacle. En 1983, le spectacle Tango argentino a fait revivre ce dernier genre à Paris, avant de triompher à Broadway. Il fut suivi par Tango Pasion, en 1996, forme chorégraphique portée à son paroxysme.


Une leçon de tango à Paris


Mistinguett danse la tango


Une carte postale parisienne


Tango parisien, d'Edouard Malouze


Un Tango-Thé à Paris (1914)


Un Tango-Thé à Munich (1913)





Le 11 décembre a été décrété journée nationale du tango par le gouvernement argentin. Il s’agit du jour de naissance de Carlos Gardel et de Julio de Caro.

Julio de caro au bugle (1926)


Ecoutez « Mala Junta » de Julio de Caro, par le Sexteto Mayor, un disque Harmonia Mundi :


En 1924, Julio de Caro, alors âgé de 25 ans, et formé au conservatoire, invente un style d’une richesse inédite. Chaque instrument y a un double rôle, particulier et collectif. Il crée la distance polyphonique entre eux, par une succession de solos de bandonéons et de violons, tandis que la contrebasse se charge de la base formelle et que le piano construit ponts et ouvertures.

_J’ai voulu que le tango appartienne à la meilleure catégorie musicale, lui donner une couleur et une interprétation appropriées pour l’ennoblir, en respectant son originalité,
La Guardia nueva pointe son nez.

Osvaldo Fresedo et son orchestre


Parallèlement à de Caro, le rythme d’un autre grand chef, le bandonéoniste Osvaldo Fresedo, envahit le cabaret. De retour des Etats-Unis, Fresedo est influencé par le jazz et forme un orchestre à la sonorité raffinée, un orchestre –spectacle avec harpes, batterie et vibraphone, ajoutés aux instruments traditionnels.
Ecoutez « Prepãrense » de et avec Osvaldo Fresedo à la tête de son orchestre.



C’est le temps où s’imposent des musiciens de formation académique : Juan Carlos Cobian, Enrique Delfino, Ciriaco Ortiz, Pedro Maffia, Carlos Geroni Flores.

L’âge d’or du tango se situe entre 1950 et 1960, parallèlement à une étape de prospérité en Argentine. La guerre 39-45 en Europe enrichit l’Argentine qui, loin des combats, devient le grenier à nourriture d’un monde qui se déchire. Le travail abonde.
A partir de 1946, le gouvernement protège la création nationale. La radio est à son apogée. Près de 600 orchestres se produisent au même moment dans le pays, l’industrie du disque bat son plein, le cinéma argentin se développe avec, pour sujet majeur, le tango.

Mais, la chute du péronisme, le gouvernement de Juan Peron, président de l’Argentine de 1946 à 1955 et de 1973 à 1974, marque le déclin du tango en Argentine, suivi bientôt d’une renaissance.

Après la guerre en Europe, d’autres musiques vont envahir les radios argentines. La télévision apparaît, mais le tango n’y est pas. En 50 ans, la population de Buenos Aires a doublé, et elle s’appauvrit. Les grandes formations ont du mal à se produire. Buenos Aires se réveille avec une nouvelle génération de prolétaires qui vit dans la fascination du nylon et préfère le rock ou le twist. Le tango devient désuet.

Au début des années 1960, et jusqu’en 1980, le tango abandonne la danse et se convertit en concert. Les derniers cafés ferment leurs portes. Le tango déménage pour s’installer dans les tanguerias, des café-concert plus intimes où l’on ne jouera que du tango, avec un petit ensemble, et ce, sans le danser. Le tango devient musique de chambre, mais également avant-gardiste.

Deux jeunes compositeurs lancent cette modernisation du tango : Horacio Salgan et Astor Piazzolla.

Ecoutez « Villeguita » d’Astor Piazzolla interprété par son orchestre.

Astor Piazzolla, né en 1921 en Argentine, bouleverse le tango traditionnel. Ses études à Paris, ses contacts avec le jazz, vont le diriger vers une écriture nouvelle du tango qui s’écarte de celui chanté par Gardel ou joué par Anibal Troilo. Les harmonies et les mélodies sont plus osées et même le rythme traditionnel est changé. Il rompt avec la continuité rythmique en présentant des alternances de motifs très contrastés au sein d’une même pièce. Déjà lorsqu’il jouait dans l’orchestre d’Anibal Troilo, ce dernier lui reprochait ses extravagances,

_"ce n’est pas du tango, Astor !" disait-il.

Aujourd’hui, pourtant, Piazzolla a apporté une telle richesse au tango, que ses œuvres demeurent incontournables.

Astor Piazzolla

Astor Piazzolla est né le 11 mars 1921 à Mar del Pata (Argentine) et mort le 4 juillet 1992 à Buenos Aires. Ce fut un joueur de bandonéon et un compositeur argentin, notamment de tango; Il a bouleversé le tango traditionnel. Divers éléments (études à Paris et contact avec le jazz) vont le mener vers une écriture nouvelle du tango, inconnue jusqu'alors...Cette écriture nouvelle va lui amener nombre de critique. Déjà lorsqu'il jouait dans l'orchestre d'Anibal Troilo, ce dernier lui reprochait ses extravagances.



En 1938, alors âgé de dix-sept ans, il décide de devenir bandéoniste professionnel et s'installe à Buenos Aires. Pendant un an, il joue dans des orchestres médiocres, mais tous les soirs, Piazzolla va écouter Anibal Troilo qui joue avec le célèbre Orquestra tipica. Et quand un soir, l’un des bandéonistes de Troilo tombe malade, Astor Piazzolla demande à son ami Hugo Baralis de le présenter au maestro. Comme Piazzolla connaît le répertoire par coeur, il est engagé le soir même dans l'orchestre, l'un des meilleurs de l'époque.
Cependant Anibal Troilo lui imposera des limites, ne souhaitant pas aller trop loin dans un style musical avant-gardiste pour l’époque.



Très vite, Piazzolla commence à composer des tangos pour cet orchestre mais il n'est pas satisfait par ses oeuvres. Il prend alors des cours avec le compositeur Alberto Ginastera.

Après cette expérience, Astor Piazzolla lance son premier orchestre en 1946, mais reste cependant dans un style traditionnel à ceux de l’époque. Il s’installe dès le début parmi les meilleurs groupes du moment. En 1948, il aura enregistré 30 titres dont quelques uns qui figureront comme des Tangos d’anthologie.
Mais au début des années 1950, il pense sérieusement à abandonner le tango pour se consacrer à la musique classique, et en 1954, grâce à une bourse, c'est dans cette idée là qu'il voyage en France et étudie avec Nadia Boulanger qui lui apprend l'art du quatuor à cordes.

Piazzolla à Paris avec Nadia Boulanger


A la fin de son année d'études, Nadia Boulanger critique le manque de personnalité de ses compositions et le persuade de développer son art à partir de ce qui forme son fondement, c'est-à-dire le tango et le bandonéon. Elle lui conseille également de suivre les traces de Bartòk et Stravinski qui s'étaient inspirés de la musique populaire de leurs pays pour créer une musique basée sur leurs racines musicales.
Les paroles de Nadia Boulanger bouleversent tellement Astor Piazzolla qu'il se met à travailler comme un possédé. Les années suivantes, il élabore son propre style de musique qu'il va nommer tango nuevo.

De retour à Buenos Aires, il s'affaire à créer un orchestre à cordes et à bandonéon. Il s'entoure des meilleurs solistes et musiciens de tango de la ville. Avec cet orchestre il montre toute son habileté à l'écriture pour cordes.
La deuxième grande entrepise de Piazzolla, c’est la création de l’Octet Buenos Aires qui réuni des artistes de haut niveau et qui joue tout ce qui est connu du tango traditionnel comme El Marne", "Los mareados", "Mi refugio" ou "Arrabal".

El quinteto circa 1987 (Malvicino, Console, Piazzolla, Suarez Paz, Ziegler)


Jouer dans cet octet représente pour certains le zénith de toute leur carrière. Ce groupe est
une révolution ! Piazzolla introduit la guitare électrique, et les chorus bebop de Malvicino
apportent une couleur des plus modernes à l'ensemble.

Ensuite, Piazzolla s'associe avec le poète Horrace Ferrer, avec qui il crée les tangos les plus
connus de son répertoire: "Chiquilin de Bachin" et "Balada para un loco".

Piazzolla et Horacio Ferrer en 1970


Durant les années soixante il écrira la majeure partie de son oeuvre. Piazzolla est aussi un interprète extraordinaire et un chef de groupe des plus inspirés. Son écriture est sans concession et sa musique se détache de plus en plus du tango populaire : en effet, contrairement aux tangos des décennies précédentes, ils sont très difficiles à danser.
Au début des années 70, Piazzolla monte un nouvel ensemble le nonetto avec lequelle il enregiste deux disques. Il tourne en Europe.
En 1992, il mourra d'une attaque cérébrale datant de 1990, dont il ne s'était pas remis.

Piazzolla vers 1985




Première vidéo : Adios Noniño, pour bandonéon et orchestre
Deuxième vidéo : Adios Noniño, en live
Troisième vidéo : Les 4 Saisons de Piazzolla (Automne)
Quatrième vidéo : Soledad de Piazzolla
Cinquième vidéo : Balada parar un loco


Ecoutez « Adios noninos » interprété par les 12 violoncelles de l’Orchestre Philharmonique de Berlin.


Le tango a voyagé. Il apparaît dans les pays arabes (Egypte et Liban, surtout), dans les années 1920.
Le pionnier est l’Egyptien Mohamed Abdel Wahab, qui intègre le tango au tarab, musique orientale classique. L’auteur-compositeur libanais Farid El Atrache donne au tango une spécificité orientale, mélangeant rythme argentin et paroles arabes de passion et de nostalgie.

Ecoutez un extrait d’ « Alachan Malich Gheirak », paroles de Fathi Oura, musique de Farid El Atrache, chanté par Farid El Atrache ; un disque EMI Music Arabia :


Le tango arrive en Finlande en 1914. Il a un tel succès, qu’il y devient presque musique nationale ! Le premier enregistrement, Liljankukka (fleur de lys) a lieu en 1945. Le compositeur de cette chanson, Toivo Karki est un des musiciens de tango les plus importants.

Le baron Tsunayoshi Megata crée à Tokyo une académie gratuite et dispense ses cours à l’aristocratie japonaise.

Enfin, la France est le deuxième patrie du tango. Le voyage à Paris est devenu un rite pour les musiciens argentins.

En 1976, la dictature argentine provoque un afflux de musiciens tels Cuartato Cedron, ou le bandonéoniste Juan José Mosalini. Astor Pizzolla écrit pour Moustaki, Guidoni, inspire Julien Clerc et Guy Marchand. Aujourd’hui, les nouveaux héros sont les bandonéonistes Gilberto Pereyra, César Stroscio, Hugo Daniel, les chanteurs Sandra Rumolino, Reynaldo Anselmi, Haydée Alba, les pianistes Osvaldo Caldo, Juan Carlos Caceres et les guitaristes Luis Rizzo et Rudy Flores.



Le Tango a traversé tout les soubresauts de l’histoire, la guerre de 14, la crise de 29, le nazisme,le fascisme,la guerre civil espagnol, la Seconde Guerre mondiale, le péronisme et la dictature militaire. Il a survécu au « coralito », le krach économique qui a mis, en 2001, l’Argentine à genoux. A croire que le Tango et ses tangueros se sont toujours nourris des crises, puisant dans la mélancolie, la guigne et la clandestinité, cette vitalité, cette fierté qui en font une danse et une musique toujours vivantes.



De jeunes musiciens s’efforcent aujourd’hui de composer de nouveaux tangos en mélangeant les genres. L’un des groupes les plus connu au niveau international s’appelle : Gotan Project.
Etouffé par les militaires et balayé par le raz-de-marée du rock des années 70, le Tango comme beaucoup d’autre danse de couple, semble alors trop académique , avec ses règles et ses contraintes , à une époque où l’on recherche surtout la liberté individuelle. Il connaît un renouveau à partir des années 80/90, dans plusieurs endroits en Europe.



Le tango n’est plus envisagé comme une danse académique mais comme une danse de couple et d’improvisation. 



Bien plus qu’une simple danse de lupanar, le Tango est une culture à part entière qui connaît depuis une dizaine d’années une renaissance fulgurante.



On peut donc parler d’un renouveau du Tango en France, en Europe, dans le monde, mais aussi à Buenos Aires. Pierre Vidal-Naquet souligne à se sujet que c’est l’Europe qui a été à l’origine de ce renouveau. Ce denier est le responsable de l ‘association lyonnaise : Tango de Soie qui promouvoit la culture du Tango argentin. Tango de Soie existe depuis 1994. Au départ ils n’étaient qu’une poignée de passionnés. Aujourd’hui l’association compte 400 adhérents.

D’ailleurs, la France est le deuxième patrie du tango. Le voyage à Paris est devenu un rite pour les musiciens argentins. En effet, en 1976, la dictature argentine provoque un afflux de musiciens tels Cuartato Cedron, ou le bandonéoniste Juan José Mosalini. Astor Pizzolla écrit pour Moustaki, Guidoni, inspire Julien Clerc et Guy Marchand.



Aujourd’hui, les nouveaux héros sont les bandonéonistes Gilberto Pereyra, César Stroscio, Hugo Daniel, les chanteurs Sandra Rumolino, Reynaldo Anselmi, Haydée Alba, les pianistes Osvaldo Caldo, Juan Carlos Caceres et les guitaristes Luis Rizzo et Rudy Flores.

Pour autant le Tango ne se limite pas à l’image caricaturale qu’on lui en donne. Bien plus qu’une danse ou un style musical, il représente une attitude, une histoire, un art complet… une culture de plus en plus prisée. Aujourd’hui, Paris compte plusieurs bals quotidiens et une bonne centaine de professeurs de Tango. Paris accueille aussi depuis 3 ans, au théâtre d Chaillot le festival : « Buenos Aires Tango3 » consacré aux vétérans, à la jeune garde argentine qui renouent avec le répertoire et la danse. Cette relève assuré par les jeunes musiciens (moyenne d’âge : 26 ans) soucieux de prouver « que le Tango est toujours vivant et ouvert sur le monde »  est symbolisé par l’école-orchestre El Arranque, fondée par le grand compositeur  Emilo Balcarce, 88 ans.
Des danseurs contemporain comme Catherine Berbessou ou des danseurs de hip-hop comme Farid Azzout sa passionne aussi pour le Tango argentin.
Le dernier défilé de KENZO du 3 mars 2007, était entièrement dédié au Tango et sa culture. A la fin du défilé une douzaine de danseurs ont envahi la scène, enlacées chacun à une poupée de chiffon de la taille d’une femme pour un tango irréel.
Cette mémoire perdue « ne mérite pas de rester dans un musée », dit le pianiste Gustavo Beytelmann, Argentin exilé à Paris depuis 1976 et qui est le maestro invité d’El Arranque.     « Il est important de ressusciter ce trésor, notamment à Paris qui a toujours été la caisse de résonance du Tango dans le monde ». Ensuite pour se perfectionner, il faut beaucoup de temps, voir toute une vie. On n’arrête pas de découvrir des choses dans le Tango, et l’on n’a jamais fait le tour des différents styles, des recherches, des évolutions, de ce monde vivant et riche.

Découvrez Careres en vidéo : Caceres
Ecoutez « Divagando » de Juan Carlos Caceres qui interprête lui-même son œuvre :




quelques notions

 

Une Habanera est une danse à deux temps dont le rythme est croche pointée double, deux croches. Bizet en a écrite une très connue, celle que nous avons entendue au début de l’émission.


Le Candombé est une danse d’origine africaine dont le rythme de base est croche pointée double liée à deux croches, pour une mesure à deux temps, et un tempo moyennement rapide.


On dit de la Milonga qu’elle est l’ancêtre du tango. C’est également une danse à deux temps, qui conjugue tantôt le rythme de la Habanera, tantôt le tempo du Candombé, et parfois l’inverse. On sent dans la Milonga une forme à l’étude qui aboutira au tango.