Fondée en 1536, Buenos Aires peut se flatter d’une certaine ancienneté. Le territoire que nous appelons aujourd’hui Argentine était l’une des arrières-cours négligées et faiblement peuplées de l’immense empire espagnol d’Amérique. Sa vaste Pampa offrait un terrain idéal à l’élevage du bétail et à l’agriculture.
Vers 1870, la Pampa était encore essentiellement peuplée d’Indiens Araucans (Chili), mais était également l’habitat naturel des nomades des plaines, les fiers cavaliers gauchos.
un Araucan :
Un Gaucho :
Les pressions de la civilisation et les exigences de la croissance économique, exerçaient une forte contraintes sur le style de vie indépendant des gauchos. Ces derniers disparaissent vers la fin du XIXè siècle.
Dès 1880, Buenos Aires devient capitale fédérale, et le président de l’Argentine, le général Julio Argentino Roca, « nettoie » le Pampa des Indiens Araucans, ouvrant ainsi un immense domaine à l’extension de l’élevage et de l’agriculture. Avec une forte croissance des exportations de bœuf et de céréales, l’adoption de moyens de communications modernes (bateaux à vapeur, chemins de fer et télégraphe), l’Argentine se trouva, au cours des années 1920, parmi les pays les plus riches du monde.
Ce pays faisait alors figure de terre promise, juste après les Etats-Unis. La moitié de la population venait d’Italie, un tiers d’Espagne. Sa population passa de 180 000 habitants en 1869, à 1 500 000 en 1906 ! Et 70% étaient des hommes.
Un port en 1885.
Marchandises et immigrants traversent l'Atlantique sur des trois mats.
Emigrants à la porte du "Cafe y Billar EL TROMPEZON"
Buenos Aires connaît à la fin du XIXe siècle un essor démographique extraordinaire. De 250 000 habitants en 1880, cette jeune capitale en abrite 1 500 000 en 1906. La population pauvre est alors poussée vers la périphérie de la ville, dans les conventillos, de grands immeubles populaires où s’entassaient les immigrants et les paysans des provinces. C’est là que naît le tango, comme une fusion de formes d’expressions opposées. Cette musique réussira la symbiose des nostalgies et des espoirs des étrangers et des Argentins eux-mêmes, tous hantés par la douleur du déracinement et le regret d’un paradis perdu.
L’origine du tango et mal connue. On peut supposer un mélange de différents composants comme la Habanera de Carmen, car depuis la première moitié du XIXe siècle, les marins antillais la répandaient à Buenos Aires. Le rythme balancé de la Habanera, la mesure à 2/4 ne sont sans doute pas étrangers au tango que l’on connaît aujourd’hui.
Les Noirs, les plus jeunes en particulier, abandonnèrent le candombé au profit des danses européennes comme la polka et la mazurka, sans doute pour faciliter leur intégration sociale. Et tandis qu’ils se mettaient aux danses blanches, certains Blancs parcouraient le chemin inverse, en imitant les pas et les mouvements des danseurs afro-argentins.
Sur l’illustration suivante, datée de 1879, nous avons une fête gaucho, avec un duo entre gaucho et noir-africain.
Si l’importance de l’afflux des immigrants engendra une transformation culturelle de l’Argentine et, en fait, une quasi-remise à plat de la culture nationale, elle favorisa également, une certaine insécurité dans les quartiers populaires, et notamment avec la prolifération des compadres et des compadritos :
Ces personnages pourraient avoir hérité de certaines attitudes des gauchos, tout en en adoptant d’autres venues d’Europe. Ils avaient l’habitude de régler leurs différents au couteau. Ces jeunes vauriens des taudis de Buenos Aires fréquentaient les cafés mal famés, les bars et les bordels. On les reconnaissaient à leur tenue désinvolte, leur chapeau gris, leur foulard autour du cou, leurs bottines à hauts talons, et bien sûr, à leur couteaux.
Enfin, sur le plan musical, on trouvait à Buenos Aires, différents styles et types de musique, à savoir la valse, la polka, la mazurka et la scottish.
Mais également la habanera espagnole qui semble avoir joué un rôle dans l’émergence d’une danse argentine, à savoir la milonga, très populaire chez les compadritos.
Ecoutez Alberto Amor accompagné par l’orchestre de Rodolfo Biagi, dans un Candombé intitulé « Flor de Monserrat », un enregistrement de 1945 pour Odéon.
Aujourd’hui encore, la rue de la Reconquista, au centre de Buenos Aires, est appelée « la rue qui ne dort jamais ». C’est là que le tango a trouvé un chaleureux accueil vers 1910 :
Vers 1865, parmi les équipages et les immigrants qui débarquaient régulièrement au port de Buenos Aires se trouvait un marin qui transportait avec lui un drôle d’instrument.
L’origine du matelot demeure incertaine, mais nous savons que l’instrument venait d’Allemagne et qu’il portait le nom de bandonéon en l’honneur de son inventeur. Sitôt débarqué en Argentine, le bandonéon s'intègre au tango et remplace vite la flûte dans les orchestres. Cet instrument changea complètement la physionomie musicale du tango. Avec lui, le tango perdit son aspect badin et tapageur et adopta une attitude sévère et cadencée. Il se libéra de ses fioritures pour ne garder que l’essentiel de son propos. Le bandonéon devint ainsi le conteur officiel de la mélancolie et de l’amertume du portègne, c’est-à-dire l’habitant de Buenos Aires.
L’Orchestra tipica « La Porteñica », en 1933. De 1920 au début des années trente, les orchestres féminins jouaient dans les salons de thé, le cafés, les bars et aussi lors de mariages ou de soirées dansantes. Ils ne furent jamais enregistrés :
Carlos Gardel est né le 11 décembre 1890 à Toulouse, dans le sud de la France. Il s'appelle à l'époque Charles Romuald Gardès, fils de Marie Berthe Gardès. Il arrive à Buenos Aires à l'âge de 2 ans avec sa mère, célibataire de 27 ans, repasseuse de profession, partie du port de Bordeaux pour tenter sa chance dans le Nouveau Monde comme de nombreux immigrés à l'époque.
Il passera son enfance dans le quartier du "Mercado de Abasto" où ses amis le surnommeront "El Francesito" (le petit français) et ensuite "El Morocho de Abasto".
Très rapidement il va devenir chanteur dans les cafés pour gagner quelques pièces de monnaies. On apprécie dès alors le timbre de sa voix, et Carlos Gardel parvient très vite à se faire une réputation dans les bars populaires de la capitale Argentine.
En 1911, à 21 ans, il fait connaissance de José Razzano, surnommé "El Oriental" (L'Oriental) en raison de son origine uruguayenne, et avec lequel il va former un duo chantant des chansons créoles.
C'est à cette époque que Carlos va changer son nom par celui qui le rendra célèbre dans le monde entier : Gardel.
En 1912, il enregistre 15 chansons sous le label de Columbia Records, sur lesquelles il s'accompagne lui-même à la guitare.
C'est en 1917 qu'il est reconnu comme véritable chanteur de Tango en interprétant la chanson "Mi noche triste" (de Samuel Castriota et Pascual Contursi), étant donné que jusqu'à lors, le tango était surtout musical et sans paroles.
La même année Carlos Gardel joue pour la première fois dans un film, "Flor de durazno", et commence véritablement sa carrière discographique en compagnie de José Razzano sous le label de Disco Nacional. La chanson la plus connue de ce disque sera "Cantar eterno" de Angel Villoldo.
Dans les années 20, Carlos Gardel va amener le tango en Europe, en se rendant célèbre en France et en Espagne.
Le public de Buenos Aires l'a adoré. Il ne lui reste plus qu'à charmer l'Europe. Il fait un triomphe à Madrid puis à Barcelone, où sur les planches du théâtre Goya et du Grand Théâtre des Ramblas il est couronné comme le roi du tango. Le succès se confirme ensuite à Paris, plus exigente, mais Carlos Gardel va conquérir sans problème le public parisien.
Sa voix pleine de magie va également triompher plus tard à New York.
Dans les années 30 il est reconnu dans de nombreux pays, en Argentine, sa patrie d'adoption, en Uruguay et dans plusieurs pays européens. En raison de cette notoriété, l'entreprise cinématographique Paramount Pictures l'engage pour tourner 4 films à Joinville en France.
Entre 1934 et 1935 il part à la conquête du marché nord américain et enregistre 2 disques aux Etats Unis. Il chante à la radio et joue dans des films qui auront beaucoup de succès et lui permettront d'étendre sa renomme sur tout le continent américain en tant que chanteur.
En 1934, Carlos Gardel est à New York pour jouer dans le film "El día que me quieras". Il fait connaissance d'un jeune argentin de 13 ans qui habite New York et qui joue du Bandonéon : Astor Piazzolla, autre personage mythique duquel nous parlerons plus tard.
Il se lie d'amitié avec ce gamin qui "joue du bandonéon comme un gallego (espagnol)", selon ce que lui confie Carlos Gardel, et Astor Piazzolla lui sert d'interprète, ne connaissant pas l'anglais. La star l'emmène un peu partout et même aux studios de la Paramount où il lui confia le rôle de Canillita (petit vendeur de journaux) dans le film "El día que me quieras".
A la fin du tournage, Carlos Gardel organise une fête avec les argentins et urugayens vivant à New-york, et à la fin de la soirée il demande à Astor Piazzolla de l'accompagner au bandonéon pour chanter "Arrabal amargo". Les invités présents sont sous le charme et applaudissent à tout rompre le duo.
Carlos Gardel part ensuite à Hollywood. Il sollicite la venue de Astor Piazzolla, mais celui-ci étant mineur, il n'obtient pas l'autorisation pour entreprendre le voyage. Les destins des deux grandes figures du Tango allaient donc se séparer, mais cette rencontre influencera de manière décisive la carrière du jeune Astor.
Il fait ensuite une tournée en Amérique centrale et en Amérique du Sud en 1935, passant par Puerto Rico, Aruba, Curaçao, le Venezuel et la Colombie où le destin va mettre fin de façon tragique à sa vie.
La mort de Carlos Gardel
Le lundi 24 juin 1935, l'avion dans lequel il voyage s'écrase près de Medellin en Colombie, et Carlos Gardel meurt au sommet de sa gloire. Il est enterré dans le Cimetière de la Chacarita à Bunos Aires. Sa tombe est visitée par des admirateurs venant des quatre coins du monde.
La qualité de sa voix et sa mort prématurée vont être les éléments déterminants qui feront de lui un mythe populaire. Tous ceux qui parlent du tango ou entendent parler de cette musique vont l'associer immédiatement à son nom. Carlos Gardel incarne désormais et de façon indiscutable le tango.
Première vidéo : El dia que me quieras
Deuxième vidéo : Por una cabeza
Troisième vidéo : Volver
Anibal Troilo : "Pichuco" ou "El Gordo"(1914-1975)
Anibal Troilo, surnommé "Pichuco" par son père, découvre sa vocation pour le bandonéon à l'âge de 10 ans alors que sa mère aurait souhaité qu'il suive des études de pharmacien. Il joue en public dès l'âge de 11 ans, se produit dans différentes formations dont l'orchestre des "señoritas" en 1927, Alfredo Gobbi puis Juan Maglio en 1929.
Il intègre ensuite le sexteto de Elvino Vardano & Osvaldo Pugliese (1930), la Orquesta Tipica Victor (1931), Julio de Caro (1932), ...., Angel d'Agostino (1934), Juan d'Arienzo (1935), ...
Il écrit son premier tango en 1933, Medianoche.
De 1930 à 1937 il jouera sous la direction d'Osvaldo Pugliese, de Julio de Caro et Juan Carlos Cobian.
Il créé en 1937 sa propre formation, il n'a que 23 ans et sa formation existera pendant plus de 35 ans, jusqu'en 1974, un an avant sa mort.
Il fait ses débuts à la radio El Mundo en 1940 et intègre le jeune Astor Piazzolla à sa formation.
Depuis la mort de Carlos Gardel (1935) les chanteurs étaient cantonnés aux refrains, Troilo va leur redonner une place importante dans l'orchestre.
Pour "El Gordo" (Le Gros), son second surnom, tous les instruments étaient d'égale importance, même les voix étaient considérées comme des instruments et ne devaient en aucun cas masquer le rythme. Véritable musicien, il a su s'entourer d'artistes de qualité, de chanteurs de renoms et des meilleurs paroliers.
Troilo a toujours joué à l'intention des danseurs, alternant la ligne mélodique et la ligne rythmique. Son succès auprès des milongueros a été constant et durable.
Son répertoire est très riche et il a composé plus de 40 tangos dont : Barrio de Tango, Pa'que Bailen los Muchachos, Sur, Che Bandonéon, Romance de Barrio, ...
Il disait qu'il mourrait en jouant Quejas de bandoneon. Ce fut presque vrai.
On dit que c'est Ciriaco Ortiz qui a le plus influencé son style d'interprétation, avec sa manière de faire parler l'instrument, sa capacité à émouvoir en étirant les notes des phrasés. Sa musique offre plusieurs plans parfois contradictoires : d'un côté, un rythme souvent rapide, adapté à la danse ; de l'autre le jeu plus introverti de Troilo au bandonéon. Ce second aspect l'emporte selon nous vers la fin de sa vie, caractérisée par un ralentissement rythmique et un accroissement de l'amplitude orchestrale.
"No hay tango viejo ni tango nuevo. El tango es uno sólo. Tal vez la única diferencia está en los que lo hacen bien y los que lo hacen mal." (Aníbal Troilo)
Astor Piazzolla est né le 11 mars 1921 à Mar del Pata (Argentine) et mort le 4 juillet 1992 à Buenos Aires. Ce fut un joueur de bandonéon et un compositeur argentin, notamment de tango; Il a bouleversé le tango traditionnel. Divers éléments (études à Paris et contact avec le jazz) vont le mener vers une écriture nouvelle du tango, inconnue jusqu'alors...Cette écriture nouvelle va lui amener nombre de critique. Déjà lorsqu'il jouait dans l'orchestre d'Anibal Troilo, ce dernier lui reprochait ses extravagances.
En 1938, alors âgé de dix-sept ans, il décide de devenir bandéoniste professionnel et s'installe à Buenos Aires. Pendant un an, il joue dans des orchestres médiocres, mais tous les soirs, Piazzolla va écouter Anibal Troilo qui joue avec le célèbre Orquestra tipica. Et quand un soir, l’un des bandéonistes de Troilo tombe malade, Astor Piazzolla demande à son ami Hugo Baralis de le présenter au maestro. Comme Piazzolla connaît le répertoire par coeur, il est engagé le soir même dans l'orchestre, l'un des meilleurs de l'époque.
Cependant Anibal Troilo lui imposera des limites, ne souhaitant pas aller trop loin dans un style musical avant-gardiste pour l’époque.
Très vite, Piazzolla commence à composer des tangos pour cet orchestre mais il n'est pas satisfait par ses oeuvres. Il prend alors des cours avec le compositeur Alberto Ginastera.
Après cette expérience, Astor Piazzolla lance son premier orchestre en 1946, mais reste cependant dans un style traditionnel à ceux de l’époque. Il s’installe dès le début parmi les meilleurs groupes du moment. En 1948, il aura enregistré 30 titres dont quelques uns qui figureront comme des Tangos d’anthologie.
Mais au début des années 1950, il pense sérieusement à abandonner le tango pour se consacrer à la musique classique, et en 1954, grâce à une bourse, c'est dans cette idée là qu'il voyage en France et étudie avec Nadia Boulanger qui lui apprend l'art du quatuor à cordes.
Piazzolla à Paris avec Nadia Boulanger
A la fin de son année d'études, Nadia Boulanger critique le manque de personnalité de ses compositions et le persuade de développer son art à partir de ce qui forme son fondement, c'est-à-dire le tango et le bandonéon. Elle lui conseille également de suivre les traces de Bartòk et Stravinski qui s'étaient inspirés de la musique populaire de leurs pays pour créer une musique basée sur leurs racines musicales.
Les paroles de Nadia Boulanger bouleversent tellement Astor Piazzolla qu'il se met à travailler comme un possédé. Les années suivantes, il élabore son propre style de musique qu'il va nommer tango nuevo.
De retour à Buenos Aires, il s'affaire à créer un orchestre à cordes et à bandonéon. Il s'entoure des meilleurs solistes et musiciens de tango de la ville. Avec cet orchestre il montre toute son habileté à l'écriture pour cordes.
La deuxième grande entrepise de Piazzolla, c’est la création de l’Octet Buenos Aires qui réuni des artistes de haut niveau et qui joue tout ce qui est connu du tango traditionnel comme El Marne", "Los mareados", "Mi refugio" ou "Arrabal".
El quinteto circa 1987 (Malvicino, Console, Piazzolla, Suarez Paz, Ziegler)
Jouer dans cet octet représente pour certains le zénith de toute leur carrière. Ce groupe est
une révolution ! Piazzolla introduit la guitare électrique, et les chorus bebop de Malvicino
apportent une couleur des plus modernes à l'ensemble.
Ensuite, Piazzolla s'associe avec le poète Horrace Ferrer, avec qui il crée les tangos les plus
connus de son répertoire: "Chiquilin de Bachin" et "Balada para un loco".
Piazzolla et Horacio Ferrer en 1970
Durant les années soixante il écrira la majeure partie de son oeuvre. Piazzolla est aussi un interprète extraordinaire et un chef de groupe des plus inspirés. Son écriture est sans concession et sa musique se détache de plus en plus du tango populaire : en effet, contrairement aux tangos des décennies précédentes, ils sont très difficiles à danser.
Au début des années 70, Piazzolla monte un nouvel ensemble le nonetto avec lequelle il enregiste deux disques. Il tourne en Europe.
En 1992, il mourra d'une attaque cérébrale datant de 1990, dont il ne s'était pas remis.
Piazzolla vers 1985
Première vidéo : Adios Noniño, pour bandonéon et orchestre
Deuxième vidéo : Adios Noniño, en live
Troisième vidéo : Les 4 Saisons de Piazzolla (Automne)
Quatrième vidéo : Soledad de Piazzolla
Cinquième vidéo : Balada parar un loco
Ecoutez « Adios noninos » interprété par les 12 violoncelles de l’Orchestre Philharmonique de Berlin.
Le Tango a traversé tout les soubresauts de l’histoire, la guerre de 14, la crise de 29, le nazisme,le fascisme,la guerre civil espagnol, la Seconde Guerre mondiale, le péronisme et la dictature militaire. Il a survécu au « coralito », le krach économique qui a mis, en 2001, l’Argentine à genoux. A croire que le Tango et ses tangueros se sont toujours nourris des crises, puisant dans la mélancolie, la guigne et la clandestinité, cette vitalité, cette fierté qui en font une danse et une musique toujours vivantes.
De jeunes musiciens s’efforcent aujourd’hui de composer de nouveaux tangos en mélangeant les genres. L’un des groupes les plus connu au niveau international s’appelle : Gotan Project.
Etouffé par les militaires et balayé par le raz-de-marée du rock des années 70, le Tango comme beaucoup d’autre danse de couple, semble alors trop académique , avec ses règles et ses contraintes , à une époque où l’on recherche surtout la liberté individuelle. Il connaît un renouveau à partir des années 80/90, dans plusieurs endroits en Europe.
Le tango n’est plus envisagé comme une danse académique mais comme une danse de couple et d’improvisation.
Bien plus qu’une simple danse de lupanar, le Tango est une culture à part entière qui connaît depuis une dizaine d’années une renaissance fulgurante.
On peut donc parler d’un renouveau du Tango en France, en Europe, dans le monde, mais aussi à Buenos Aires. Pierre Vidal-Naquet souligne à se sujet que c’est l’Europe qui a été à l’origine de ce renouveau. Ce denier est le responsable de l ‘association lyonnaise : Tango de Soie qui promouvoit la culture du Tango argentin. Tango de Soie existe depuis 1994. Au départ ils n’étaient qu’une poignée de passionnés. Aujourd’hui l’association compte 400 adhérents.
D’ailleurs, la France est le deuxième patrie du tango. Le voyage à Paris est devenu un rite pour les musiciens argentins. En effet, en 1976, la dictature argentine provoque un afflux de musiciens tels Cuartato Cedron, ou le bandonéoniste Juan José Mosalini. Astor Pizzolla écrit pour Moustaki, Guidoni, inspire Julien Clerc et Guy Marchand.
Aujourd’hui, les nouveaux héros sont les bandonéonistes Gilberto Pereyra, César Stroscio, Hugo Daniel, les chanteurs Sandra Rumolino, Reynaldo Anselmi, Haydée Alba, les pianistes Osvaldo Caldo, Juan Carlos Caceres et les guitaristes Luis Rizzo et Rudy Flores.
Pour autant le Tango ne se limite pas à l’image caricaturale qu’on lui en donne. Bien plus qu’une danse ou un style musical, il représente une attitude, une histoire, un art complet… une culture de plus en plus prisée. Aujourd’hui, Paris compte plusieurs bals quotidiens et une bonne centaine de professeurs de Tango. Paris accueille aussi depuis 3 ans, au théâtre d Chaillot le festival : « Buenos Aires Tango3 » consacré aux vétérans, à la jeune garde argentine qui renouent avec le répertoire et la danse. Cette relève assuré par les jeunes musiciens (moyenne d’âge : 26 ans) soucieux de prouver « que le Tango est toujours vivant et ouvert sur le monde » est symbolisé par l’école-orchestre El Arranque, fondée par le grand compositeur Emilo Balcarce, 88 ans.
Des danseurs contemporain comme Catherine Berbessou ou des danseurs de hip-hop comme Farid Azzout sa passionne aussi pour le Tango argentin.
Le dernier défilé de KENZO du 3 mars 2007, était entièrement dédié au Tango et sa culture. A la fin du défilé une douzaine de danseurs ont envahi la scène, enlacées chacun à une poupée de chiffon de la taille d’une femme pour un tango irréel.
Cette mémoire perdue « ne mérite pas de rester dans un musée », dit le pianiste Gustavo Beytelmann, Argentin exilé à Paris depuis 1976 et qui est le maestro invité d’El Arranque. « Il est important de ressusciter ce trésor, notamment à Paris qui a toujours été la caisse de résonance du Tango dans le monde ». Ensuite pour se perfectionner, il faut beaucoup de temps, voir toute une vie. On n’arrête pas de découvrir des choses dans le Tango, et l’on n’a jamais fait le tour des différents styles, des recherches, des évolutions, de ce monde vivant et riche.
Découvrez Careres en vidéo : Caceres
Ecoutez « Divagando » de Juan Carlos Caceres qui interprête lui-même son œuvre :