Les Polyphonies Corses

 

Le chant corse a connu au Xxè siècle une histoire mouvementée, puisque la langue considérée comme un mélange de dialectes ou de patois discrédité par une absence de création littéraire reconnue et la musique trop singulière, fragilisée par une transmission presque exclusivement orale, l’écartèrent longtemps des préoccupations des musicologues.
Mais face au récent abandon des modes de vie ancestraux, le chant corse s’épanouit enfin, comme s’il portait à présent l’identité de toute l’île. Tavagna-Bernardinu.

Le peuple corse chante, ou « cante u populu corsu », une phrase simple qui a donné un nom au groupe phare des années soixante-dix, alors que la ré-appropriation de la langue et d’autres marqueurs identitaires devenaient l’un des enjeux majeurs de l’île, ébranlée par une certaine violence politique. Les musicologues se résolvent à aller sur le terrain afin de capter ces trésors négligés.

Mais le plus étrange, est que la découverte des musicologues devenait peu à peu une découverte pour les insulaires eux-mêmes, comme si ces derniers avaient oubliés les us et les coutumes des villages d’antan.
Pour exemple, le vicaire général Anghjulu Giudicelli avait été curé à Rusiu dans les années trente. Revenu en 1947 sur ces lieux, il confiait, après avoir entendu chanter des hymnes et les chants des Vêpres :
« comment ont-ils fait pour conserver ces chants anciens ! ».

Pourtant, c’est à une jeune anglaise que l’on doit le plus bel hommage rendu au chant traditionnel. Venue en 1948 à l’invitation de son ami Jean Cesari s’installer pour un temps avec son époux le peintre Leonard Rose dans le sud de la Corse, Dorothy Carrington ignorait que cette découverte allait sceller sa destinée. Foudroyée par la beauté des lieux, elle y resta plus de cinquante ans. Mais le véritable choc, elle l’a connu lors d’une veillée de Noël, dans la chapelle perdue de Fiumorbu.

« J’avais l’impression d’entendre la voix des entrailles de la terre. Un chant venu de l’origine du monde. Celui des commencements qu’on ose espérer jamais accessible… » Tantum ergo.

C’était le Tantum ergo de Girolamo Bartoli, XIXè siècle, chanté par Jean-Paul Poletti et le chœur d’homme de Sartène, pour Philips.

L’exaltation de la touriste ne reçut pourtant aucun écho favorable chez ses compagnons corses. Ils lui firent comprendre que ces musiques anciennes ne méritaient pas une telle considération. Pour eux, cette musique primitive, âpre, rugueuse n’était qu’une survivance peu flatteuse d’une tradition dont il ne fallait pas créditer la Corse.

Hélas, dans les années cinquante, quelques ethnomusicologues enregistrent plusieurs dizaines de chants qu’ils s’empressent de passer sur les ondes hertziennes françaises, enregistrements qui sont perçus par la critique comme du folklore africain arabe sans intérêt.
« Ah, nos pauvres oreilles » .

Dans l’île même, la perception en ville d’une pratique tenue pour rurale, passéiste, ringarde, conduit les jeunes qui chantent en polyphonie à se faire discrets, s’ils veulent éviter les railleries de camarades.
Les frères Alain et Jean-François Bernardini, natifs de Tagliu Isulaccia, et qui avec leur père se produisent dès l’âge de douze ans aux foires de Niolu ou de la Restonica, hésitent à dévoiler à leur camarades de lycée bastiais leur engagement. Notons toutefois la singularité de ce village de Tagliu Isulaccia. L’anecdote suivante la démontre.

Vers la fin de années cinquante, une femme, continentale, issue de milieu bourgeois et fraîchement établie au village de Tagliu, se mit en tête de monter une chorale féminine qu’elle dirigerait en jouant de l’harmonium. Le répertoire, censé accompagner l’office religieux, était naturellement chanté en langue française.
L’affaire tourna au conflit ouvert. Un jour que les hommes s’apprêtaient à entonner une polyphonie, ils entendirent l’attaque de l’harmonium et désertèrent sur-le-champ le lieu en passant par la fenêtre de la sacristie. Ils ne revinrent plus à l’église pendant un temps, estimant inacceptable l’invasion du continent dans la culture qui était le leur. Le chant polyphonique avait remporté là une victoire. Kyrie-Tagliu.
C’était le Kyrie de la Messa di Tagliu, chantée par I Muvrini, les fils de Ghjuliu Bernardini, enregistré dans les années 80. Un disque Cité de la Musique/Actes Sud.

Outre quelques groupes folkloriques isolés, I Macchiaghjoli, fondé à Bastia en 1935 par Joséphine Poggi, Cantu di Cirnu à Bastia également, en 1951 par Julie Zanni Burbonni, ou A Sirinata Aiaccina à Ajaccio en 1951, dirigé par Victor Franceshini, la polyphonie devint l’un des enjeux de ce qu’on a pas craint d’appeler le « miraculu di u’70 », la miracle des années 70.

C’est le début d’une prise de conscience politique, la naissance des premiers mouvements régionalistes, FRC (Front Régionaliste Corse, 1966), et ARC (Action Régionaliste Corse, 1967), renouveau des études corse grâce au relais de l’université d’Aix en attendant l’ouverture de celle de Corte, éveil et développement du mouvement associatif dont l’ancrage micro-régional est manifeste (Tavagna, A Rustaghja en Castagniccia), rassemblement « de masse » deux-mille personnes au cinéma Le Paris à Bastia en 1974-1975 pour des veghje où chacun communie aux accents d’un riacquistu fédérateur.

Le champion de ce mouvement fut un groupe au nom de fortune, magnifique, dont le public imposa l’adoption : Canta U Populu Corsu. Le peuple corse chante. Les quelques titres de l’album sans signature regroupaient autour de Jean-Paul Poletti, Petru Guelfucci et quelques autres, tout un ensemble de musiciens dont l’expression se voulait politique plus encore qu’esthétique. Terzetti Canta u populu.

C’étaient les Terzetti di u piuvanu qui disent avec réalisme les conditions de détention au bagne de Toulon d’un curé piévan du Boziu, Marcu Ghjuvani Turchini. Le texte, de 1774, a été largement popularisé dans un contexte politique brûlant, deux siècles plus tard, par Canta U Populu Corsu, entendu ici. Un disque Cité de la Musique, Actes Sud.

Mais d’où vient ce chant ?
Personne ne pourra fournir de réponse claire. Il semble pourtant que deux théories s’affrontent. Selon les uns, le chant corse d’aujourd’hui descend des expérimentations savantes de la pratique religieuse, reprises et assimilées dans l’île dès l’époque médiévale.
Les Corses auraient donc simplement adopté de la péninsule italienne toute proche, des formes et des styles importés par les clercs.
Pour d’autres, le chant corse aurait conservé des formes archaïques bien antérieures à la révolution de l’ars nova, l’Ecole de Notre-Dame : toute origine serait donc indépendante de ce rapport chrétien. Mais peut-on penser qu’une seule de ces explications puissent suffire au développent complexe d’une musique à travers tant de siècles ? La polyphonie ne se situerait-elle pas au carrefour de traditions composites et plurielles ?
Certes, la plupart des documents les plus anciens relatifs au chant ont été retrouvés dans les fonds conservés dans les couvents de l’île, le plus souvent d’obédience franciscaine. Et la pénétration fulgurante dans l’île de l’ordre mineur fondé par le Poverello d’Assise et la multiplication rapide des établissements mendiants dès le XIIIè siècle, donnent un certain poids au premier argument. Asperges me.
C’était Asperges me d’E Voce Di U Cumune, un disque Harmonia Mundi

Qui dit polyphonie, dit paghjella.
La paghjella est un chant improvisé par un chœur masculin à trois voix, la bassu
(grave),
la secunda
(moyenne),
et la terza
(aiguë).
La paghjella a la particularité d’accorder la primauté au chant sur le texte littéraire.
Elle peut tout aborder ; déploration, séduction ou satire. Pratiquée entre partenaires qui se connaissent bien, elle dénote un art de vivre en commun dont l’image s’est fixée sur la disposition en cercle étroit des trois protagonistes, le bras passé parfois sur l’épaule du voisin, et le fameux placement de la main sur l’oreille, acte totalement facultatif.

Destiné soir à fermer pour écouter les autres chanteurs, soit à l’inverse à ouvrir en pavillon pour mieux entendre la ligne de son propre chant, ce geste archaïque (il est représenté dès l’Antiquité chez les Coptes et les Egyptiens) traduit la nécessité de participer physiologiquement à la circulation du son, condition sine qua non de l’harmonie polyphonique.
Le premier point important à souligner dans les polyphonies, est l’importance de la liberté du peuple corse de par l’absence de barres de mesures et de rythme. « C’est le chant d’un peuple libre, qui veut la liberté » résumait Quilici ! Quandu lu monte.

Enregistrée le 25 août 1962 à Tagliu Isulaccia par Félix Quilici, Ghjuliu Bernardini, Filippu Vesperini et Andrea Ciavaldini chantaient l’archétype même de la paghjella traditionnelle. Un disque Cité de la musique/Actes Sud.
L’entrée des voix est souvent identique. La secunda lance le chant seule, à découvert, donnant le ton en commençant le versu, avec pour seul diapason le contrôle de sa propre oreille. Le bassu la soutient, puis intervient la terza, chargée généralement de l’ornementation. Parfois, la terza se contente d’assurer les tenues finales, si bien qu’on hésite à reconnaître là un chant à trois voix, mais plutôt à deux voix et l’on parle alors de madrigale, non pas dans son acception dans l’Italie de la Renaissance, mais celle du Trecento.
Bien sûr, on observe des options esthétiques contrastées selon les lieux. Ainsi à Tagliu, la terza marque l’accord : constamment calée sur le bassu, elle établit les harmoniques tenues qui font le « son » ou la « couleur » du village, et laisse l’ornementation à la secunda, une pratique toute différente du sud de la Castagniccia.

La dénomination des voix, d’ailleurs, peut changer d’un endroit à un autre. La secunda ne s’appelle pas uniformément dans l’île. Ainsi à Pianellu, elle se partage en alta si le chant est profane et en cantu s’il est religieux. Paghjella di Tagliu.

C’était Paghjella di Tagliu, chantée par l’ensemble Tavagna. Un disque Silex Mosaïque.
Résistant aux classifications strictes entre le modal et le tonal, le chromatisme et le pentatonique ou le diatonique, le chant traditionnel se caractérise volontiers par la singularité de la terza, capable comme les autres voix de longues tenues. Aux variantes mélodiques, rythmiques et dynamiques, dévolues à cette voix de commentaire s’ajoute la vocation de l’ornementation. Cette inventivité, tranchant sur le style syllabique qui fait correspondre une seule note à chaque syllabe, serait une signature typiquement méditerranéenne, et c’est elle qui a fait entendre l’Orient dans la tradition corse, provoquant les rejets de l’après-guerre évoqués plus au début de l’émission, et qui se rattacherait à un usage de l’Asie ancienne.

C’est en grande partie grâce à la terza dont les allongements vocaliques et le recours fréquent à la ribuccata (ce très léger décalage dans le temps avec les autres voix qui peut fixer la hauteur de l’ambitus comme permettre une inflexion mélodique) sont la signature.

Bien que mineures, le terzettu et le madrigale sont les deux autres formes polyphoniques profanes rencontrées. Plus élaborés que la parghjella, la métrique plus appuyée, la langue et l’image plus élaborées, le terzettu et la madrigale développent presque toujours un argument amoureux. C’est également le cas pour les sirinade et currente, mais ces deux formes sont quant à elle, monodiques.
Eramu in campu d’amore graditu, duve frà i fiori circava più bellu, nous étions dans un champ d’amour où je cherchais la plus belle des fleurs. Eramu in campu.

Eramu in campu, madrigale dont la mélodie est issue d’un psautier huguenot du XVIè siècle, par le chœur d’hommes de Sartène, un disque Cité de la musique/Actes Sud.
Mais si la paghjella s’impose comme la forme qui définit le mieux la singularité musicale de l’île, puisqu’il est vrai qu’il n’a aucun équivalent comparable, le vrai marqueur identitaire en est un versu qu’une traduction littérale (le vers) ne rend que très imparfaitement. Versu di Canale verde.
C’était Versu di Canale di Verde, chanté par Cinqui Sò, un disque Cité de la Musique/Actes Sud.
Le chant est pour les Corses une affaire grave. Les insulaires revendiquent fièrement la tonalité sévère des voceri, des lamenti ou des messes des morts. Le chant commence en Corse dès la plus petite enfance avec les nanne. Ces berceuses relèvent de la monodie et a priori de l’improvisation. Selon le même principe, d’autres polyphonies plus rares et destinées aux enfants, complètent le cadre familial, la comptine (filastrocca), la fable inventée qui peut jouer de mythes connus (fola) ou l’histoire vraie transfigurée (stalbatoghju).

Les chants de mort renvoient à la violence et au pittoresque de rites archaïques à la forte prégnance païenne. C’est là un réservoir extraordinaire d’images sonores et visuelles, physiques et mentales d’une force poétique incroyable et terrible.
Signes, symboles, emblèmes, de l’ambivalente valeur de l’asphodèle, plante des mondes infernaux antiques, nourricière et fatale, jusqu’à la figure de ces passeurs étranges que sont les mazzeri, voyants et sorciers, guérisseurs et mages dont l’évocation intéresse l’anthropologue avant l’historien ou le musicologue la proximité de la mort au quotidien est telle que se rejouait naguère au cœur de l’été, dans la nuit du 31 juillet au 1er août, une battaglia di i Morti, où donner la mort permettait de la vaincre. Ecoutons le début du Lode di u sepolcru canté par l’ensemble Tavagna, pour Silex Mosaïque. Lode.
Le voceru est l’apanage des femmes. A celles qui enfantent est dévolu le rituel mortuaire : toilette, pleurs, veillée, et chant bien sûr. Ce passage, aussi particulier que la naissance, est en leur pouvoir. Un moment d’affrontement au sacré.

Le voceru est mal connu. Si le clergé ne participe pas à cette phase excessive où les femmes en pleurs s’arrachent les cheveux, se griffent le visage et lancent un chant imprécatoire aux accents saisissants, il ne peut que le tolérer, même s’il essaie de promouvoir le plus sage lamentu, exempt de ce paganisme théâtral qui double le scandale puisque la pleureuse professionnelle, parfois formée dès l’enfance à cette pratique peu banales de l’improvisation, vend son chant et ses larmes.
Devant le corps du défunt, exposé sur une table dans la plus vaste pièce de la maison, la voceratrice se signe, baise le mort au front et se recueille. Alors, dans un balancement régulier de tout le haut du corps, mobilisation de tout l’être qui évoque la transe sacrée comme un bercement d’enfant, s’élève la plainte, déchirante et naïve, simple et terrible. O Miche.
C’était un rare exemple de voceru recueilli par Quilici à Ornetu en 1961. O Miche, lu mio Michele, un disque Cité de la Musique/Actes Sud.

Plus sage, le lamentu n’a pas forcément partie liée avec la mort. Chant de l’absence, le lamentu est en fait un récit de vie où l’engagement poétique, tendre et poignant, permet à partir de bribes de souvenirs d’évoquer un être disparu, un amour évanoui, un bandit célèbre, mais aussi un arbre familier (le savoureux Lamentu di u castagnu) ou un chien fidèle, nécessaire compagnon du chasseur (le célèbre Lamentu di Filiccone), compos par Peppetru u Barbutu). Lamentu di u castagnu.
Nous écoutions le Lamentu di u castagnu, en mémoire d’un châtaigner, chanté par le fameux Peppetru u Barbutu et enregistré à Piobetta en 1961.

La voix assiste également au labeur de l’homme. Les chants de travail rappellent étrangement le principe étendu au monde entier, des chants d’esclaves noirs dans les champs de cotons au Maloya de la Réunion. La tribbiera est ainsi liée à la culture du blé. Monodie de plein air chantée par l’homme au travail, la tribbiera, qui tient son nom de la grosse pierre cylindrique (tribbiu)chargée de séparer, en écrasant les gerbes de blé jetées au sol, le grain de la balle qui l’enveloppe, est entonné par le meneur de bœufs, qui encourage la paire de bêtes. L’homme improvise sans ornementation. Il s’agit pour lui de donner un rythme et de le soutenir. Tribbiera.

Le Chœur d’Hommes de Sartène, dont Jean-Paul Poletti, chantait Cantu di a tribbiera.
La chjama. Aux origines du chant collectif, il y a la confrontation de deux voix qui se répondent, éloignées mais en dialogue, mises en scène comme en espace, d’une colline ou d’un versant à l’autre.
La pratique moderne du chjam’è rispondi a dû en conserver plus qu’un écho, puisque l’appel qui ouvre la rencontre ludique, défi poétique à l’issue aussi incertaine sur le vainqueur que sur la durée de l’échange, est une chjama. Ce terme qui vaut pour une simple interpellation, recherche d’écoute et quête de dialogue, est aussi utilisé pour une mobilisation générale de la communauté, « appel au peuple » qui sollicite la plus large participation. De deux à quatre personnes qui lancent le chant, le chjama se dilate parfois généralement à l’ensemble des personnes présentes, devenant proprement un spectacle. A la fiera di San Francè.
Chant de divertissement, A la fiera di San Francè a bien des parents dans tous les fonds folkloriques. Enumération et récapitulation permettent d’associer chacun à un plaisir plus textuel que musical, malgré le jeu sur les onomatopées. Recueilli par Francescu Buteau à A Soccia, cet air traditionnel fédérateur est devenu l’un des plus populaires de l’île. Canta au chant pour un enregistrement Cité de la Musique/Actes Sud
Les femmes enfin se sont admirablement investies dans les polyphonies corses, depuis le premier ensemble, Donnisulana, jusqu’à nos jours, comme le Trio Soledonna.
Elles apparaissent déjà au sein du groupe E Voce Di Corsica. Ecoutons Terzini Guagnesi, tiré de l’album Corsica, gravé pour Harmonia Mundi. Terzini Guagnesi.

L’une des plus belles réalisations récentes est sans doute l’album Per Agata, interprété par l’ensemble Donnisulana, pour Audivis Ethnic. E sette galere
Quant à la vie religieuse, elle a longtemps rythmé le quotidien des Corses. Parmi les plus belles polyphonies, nombreuses sont celles qui célèbrent la liturgie catholique. Des messes complètes aux processions, les chants résonnent encore aujourd’hui dans les villages de l’île.
Nous sommes à Bonifacio. Fond église.

L’Office des ténèbres du Vendredi Saint se déroule en l’église Sainte Marie Majeure de 16 à 18 heures. On a placé dans le chœur, à droite en regardant l’autel, un chandelier triangulaire portant quinze branches sur lesquelles sont allumés quinze cierges. Derrière le Maître Autel, assis dans les stalles, des représentants de chacune des cinq confréries chantent les sept psaumes et les neuf leçons de l’Office des Ténèbres. La leçon est chantée par un seul confrère à la fois puis elle est suivie des psaumes récités en commun. Ecoutons la cinquième leçon. Lezione V.

Le Miserere est chanté aux Laudes, au milieu de la cérémonie. A la fin de chaque leçon, le confrère se lève, se dirige vers le chandelier et éteint le cierge le plus bas, de la gauche vers la droite. Miserere.
La neuvième leçon terminée, seul le cierge situé au sommet du chandelier reste allumé ; le dernier chantre se lève, le prend et entonne le Benedictus avec tous les confrères et les fidèles. Puis les six autres chandeliers simples disposés sur l’autel principal sont éteints. Une fois le chant terminé, un cercle de six à huit confrères se forme. Ils frappent sur le sol les Mazzuchi, avec les Palmi, des branches de palmier provenant de la campagne de Bonifacio. Ils utilisent également la Troccula, une crécelle avec caisse de résonance. Troccula.
Il y a quelques années encore, les enfants de la haute ville tapaient aussi les Mazzuchi sur des caisses en bois disposées par les commerçants devant leurs boutiques. Cette coutume, que l’on pratiquait dans d’autres régions de l’île, à Ajaccio surtout, symbolise le fracas du tremblement de terre qui a accompagné la mort du Christ. Dans les mentalités populaires, ce bruit était réputé mettre les démons en fuite. Mazzuchi.

L’ensemble de ces Vêpres se trouvent sur le disque Harmonia Mundi, Musiques sacrées, Settimana Santa In Bunifazziu