Classe de Terminale HDA - Musique

CHARLOTTE PERRIAND

(1903 - 1999)

 

I. ART ET ESPACE

 

Charlotte Perriand côtoie ou travaille avec des architectes de renom : Le Corbusier (Charles-Edouard Jeanneret) et son cousin Pierre. Pierre Jeanneret est architecte et designer, Le Corbusier, architecte, urbaniste, peintre, sculpteur...
Charlotte Perriand développe ainsi sa créativité au contact de ces maîtres de l'espace.

Les rapports humains qu'entretient Le Corbusier avec ses contemporains sont véritablement désastreux. Il est d'ailleurs connu dans la profession que Le Corbusier entre systématiquement en conflit avec ses collaborateurs. Nous en aurons quelques exemples plus loin. Mais le cas Perriand est plus grave dans le sens où elle est une femme et que les femmes n'ont pas de place sur la scène des arts, encore moins en architecture ou en design. Pour preuve, la seule signature apposée sur la fameuse chaise longue LC4 est le nom de Le Corbusier. Charlotte a d'abord dû se faire un nom pour que justice soit rendue et que figure maintenant sa signature également (et celle du cousin Pierre !)

L'espace est au coeur de la démarche de Charlotte Perriand, puisqu'elle s'occupe de combler un volume architectural dont le centre est l'humain, en exécutant une fusion entre l'utile et le beau.
Cette démarche intéresse de près les musiciens, déjà entre les deux Guerres, mais trouve son aboutissement dès le lendemain de la Seconde. Les outils sont disponibles et efficaces et se cristallisent autour du haut-parleur.

Comme dans le design de Charlotte Perriand, le haut-parleur n'a pas pour seule fonction de restituer un son, de n'être qu'un outil de diffusion. Il prend vie et s'intègre dans un ensemble, un orchestre de hauts-parleurs, dont chaque unité est contrôlée par un musicien spatialisateur.

1. L'Acousmonium

L'acousmonium est un orchestre de haut-parleurs destiné à l'interprétation en concert des musiques composées dans un studio électroacoustique et fixées sur un support audio (œuvres dites acousmatiques).
On peut parler d'acousmonium lorsque le dispositif est constitué d'au moins seize haut-parleurs de différentes caractéristiques.

L'acousmonium est un instrument dont le son est travaillé par un choix et un positionnement précis d'enceintes acoustiques. Il se distingue clairement du matériel de sonorisation classique en mettant en avant la spatialisation et le jeu sur le grain du son, et non une unique restitution fidèle et répartie du son.
Autour du cœur du dispositif, constitué d’une assise d’enceintes de référence (en neutralité et en puissance), est déployée toute une gamme de haut-parleurs aux caractéristiques précises, capables de restituer chacun une palette de “couleurs” distincte : du suraigu à l’infra basse, chaque projecteur de son a été sélectionné pour ses qualités propres, lui donnant un rôle spécifique intégré à l’ensemble. On trouvera ainsi des projecteurs dont le rôle est de soutenir les crescendos ou les effets de masse, quand d’autres seront sollicités pour donner du contour, de la présence à une “écriture” détaillée, ou encore discrètement soutenir et arrondir des basses, faire étinceler des aigus, rendre un son creux, renforcer un effet d’éloignement ou de proximité… C’est ce choix d’une grande diversité de types d’enceintes (dont certaines sont fabriquées sur mesure) qui caractérise chaque acousmonium.

Un acousmonium est usuellement composé de quarante à cent haut-parleurs reliés à une console de projection, analogique ou numérique, allant de vingt-quatre à soixante-douze voies de diffusion.
Comme un film de cinéma, l’œuvre acousmatique, nécessite d’être projetée pour être appréciée dans toute sa dimension spatiale et imaginaire. L’immersion dans l’espace de projection plonge l'auditeur au cœur de l'expressivité de l’œuvre, la détaille, la révèle, et enrichit la perception du public d’une dimension plus vaste, par les choix d’implantation, les parcours du son dans l’espace, l’étagement des plans, le jeu sur les filtrages et les intensités définis par l'interprète.

A la console, le régisseur a un véritable rôle d’interprète de l’œuvre en public. Tout comme le chef d’orchestre, il se charge de préciser les nuances, les contrastes et les couleurs, les effets de masse et les soli, le relief et bien sûr la mise en espace, avec ses effets cinétiques, ses mouvements proche/lointain, gauche/droite, etc. Cela nécessite des répétitions, une grande concentration, une connaissance parfaite de l’œuvre acousmatique qui acquiert une véritable seconde vie au concert, impossible à restituer par la seule écoute sur disque.

D'après François Bayle, qui définit le terme et le concept d'acousmonium en 1974 au sein de l'INA-GRM, c’est l’instrument de la mise en scène de l’audible. Il désigne ainsi un dispositif constitué d'un ensemble de “projecteurs sonores” orchestrant l’image acoustique, délaissant alors l'idée de sonorisation.
Bayle conçoit son dispositif comme une série d’“écrans sonores” multiphoniques, variés en calibres, distances, directions, l'aidant à « organiser l’espace acoustique selon les données de la salle, et l’espace psychologique selon les données de l’œuvre. Aménageant tutti et soli, nuances et contrastes, reliefs et mouvements, le musicien au pupitre devient le concepteur d’une orchestration et d’une interprétation vivante. »

Voilà maintenant plus d’un demi-siècle que la musique concrète/acousmatique est née. Et avec elle le concert de haut-parleurs. Au regard de la dimension sans cesse grandissante du répertoire acousmatique mondial depuis 1948, et de la nécessité de faire vivre ces œuvres en public, s’est imposé le besoin de faire appel à des interprètes professionnels.

Ce musicien-spatialisateur, aux commandes de la console de projection de l’acousmonium, structure et guide l’écoute des auditeurs à l’aide de mouvements dynamiques, spectraux et géographiques, qu’il anime en direct. Cette pratique vivante de ce qu’on nomme couramment la projection du son s’est maintenant largement répandu, principalement dans les pays francophones, depuis la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. Afin d’assurer une diffusion vivante des œuvres acousmatiques auprès du public, la formation et l’existence d’artistes-interprètes, praticiens à part entière de cette discipline, est indispensable. C’est dans ce but que Jonathan Prager a décidé de s’y consacrer à part entière depuis 1995. En 1997, il est nommé titulaire de l'acousmonium Motus et, en 2004, responsable de la formation des interprètes de l'acousmonium M.ar.e à Bari (Italie du sud).

Pour en savoir davantage :

Le principe

 

La formation  

Aucun exmple ne peut être intégré à cette page puisqu'il faut vivre l'expérience. Cela dit, on peut imaginer...

 

Testons l'acousmonium en classe grâce aux téléphones portables et deux sons présentés ici sous qrcode :

Premier son

 

Second son

 

 

Un petit test de musique binaurale (surtout, mettez un casque !) :

 

2. Le Pavillon Philips

Un monument de l'architecture moderne : le Pavillon Philips.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser en voyant les photos du bâtiment, le Pavillon Philips n'est pas du tout conçu selon les critères de l'architecture générale. Il n'est pas prévu pour y habiter, mais pour y vivre une expérience longue de dix minutes. Pas une seconde de plus.

Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, nous posons une question. Sachant d'ores et déjà que Le Corbusier ne se gênait pas pour signer seul une oeuvre à laquelle il avait simplement contribué dans sa démarche créative, nous ne pouvons rester indifférent à ce lien qui paraît visuellement évident. Dans les années 1930, Charlotte Perriand se passionne pour la photo et ramène de ses voyages quelques clichés saisissants, comme, par exemple, ces filets de pêche en Croatie (1929) :

Et en 1958, Le Corbusier, très proche de Charlotte Perriand quelques années auparavant, imagine un bâtiment de cette forme :

Nous vous laissons juges.

Sur le lien suivant, vous découvrirez l'historique, les musiques, les vidéos et la raison de ce projet : Pavillon Philips

 

Pour découvrir l'univers de la musique concrète, cliquez ici

 

 

 

 

II. ART DE VIVRE

1. Le Japon et la philosophie Zen

L’espace de zénitude, la Maison de Thé, appelle la musique zen, méditative. John Cage, ouvert à la culture bouddhiste est en quête de cette connaissance. En 1946, il découvre la philosophie zen et pratique le bouddhisme oriental.

John Cage utilise le Yi-King comme outil de création musicale. Le Yi-King, ou I-Ching, ne prédit pas l’avenir, mais envisage le monde dans une évolution permanente et propose à l’utilisateur des possibilités d’agir ou non. Il indique les voies à prendre, les chemins à suivre afin d’orienter au mieux son destin. L’idée principale repose sur la synchronicité.
Nous avons déjà mis en ligne un travail sur ce thème à la page 74 du Power Point lié.
Le Yi-King est pour John Cage la synthèse logique de son intérêt pour la pensée bouddhiste Zen, à la fin des années 1940. Le hasard veut que Charlotte Perriand découvre le Japon en 1940. Pourtant, aucun lien n’unit les deux artistes, mis à part la réflexion et la pensée créatrice.
Le Zen est en quelques mots le bouddhisme pratiqué au Japon, en somme, une branche du bouddhisme originel qui met l’accent sur la méditation. Aussi nous intéresserons-nous aux productions musicales en rapport avec cette pensée pour les rapprocher des productions de Charlotte Perriand.
Dans un premier temps, nous pouvons comparer les éléments les plus probants, les plus simples, comme la Maison du Thé et la musique méditative de Cage. En 1993, Charlotte Perriand synthétise ses connaissances japonaises, son vécu, sur place, l’empathie et la nature même de la philosophie zen qu’elle a découverte plusieurs décennies plus tôt. La sérénité, l’équilibre entre les matériaux et l’espace, la maîtrise des ombres et de la lumière apaisent et invitent le visiteur à calquer son esprit sur les mêmes fréquences jusqu’à écarter toute pensée inutile, ou mieux encore, négative. Le Monde titre le 30 avril 2013, à l'occasion d'une exposition : "Comment Charlotte Perriand importa le zen dans la maison occidentale" (Mélina Gazsi).
Que dire de la musique méditative de John Cage ? Sur cette partition, il n'y a que... deux notes ! La, la tonique, et mi, la dominante. John Cage laisse ainsi une page qui ne propose absolument aucune tension émanant nécessairement de rapports de force entre tonalités. Tout est fait pour apaiser l'esprit.La carrure de quatre temps par mesure est strictement observée, même si Cage s'autorise une syncope aux mesures 14 et 19. Mais les valeurs liées entre elles sont trop longues et on s'y perd. Or c'est bien l'objectif, que de perdre la notion du temps.

partition

 

Pour écouter cette partition, dans deux versions différentes :

version 1 :

version 2 :

Que peut-on en conclure ?

Avez-vous reconnu un piano ? Il s'agit en réalité d'un piano préparé. John Cage préfère perdre le timbre propre au piano pour se rapprocher d'un timbre sans référence, là également pour libérer l'esprit de toute référence intellectuelle ; le son doit rester pure, sans connotation aucune.
Pour découvrir le piano préparé, cliquez ici

La Maison de thé qu'elle réalise alors qu'elle a 90 ans, témoigne d'un esprit d'ordre et d'une recherche d'harmonie qui caractérise l'ensemble de son oeuvre. On y retrouve l'esprit du jardin japonais.

 

2. Le quotidien


Charlotte Perriand a dédié sa vie « à la recherche sincère et constante d'un art de vivre en accord avec son temps » et continue ainsi d'influencer notre habitat contemporain. Or, dans l’habitat contemporain, elle s’est destinée à décrypter le quotidien du commun des mortels afin d’y apporter un confort pratique et utile en modernisant les usages au quotidien. Et ce quotidien la lie encore une fois à John Cage et la philosophie zen.  
John Cage s’intéresse au quotidien dans le sens où l’objet du quotidien peut devenir un objet artistique, d’abord à l’image des ready-made largement exploités par Marcel Duchamp, mais aussi comme base de création, en témoignent les collages des Dadaïstes. Sur ce principe de collage, de ready-made, Cage utilise les sons du quotidien, comme des bruits d’écoulement d’eau, de radio ou d’autres enregistrements. Il développe l’idée de collage sonore où le son est pur, pas composé par l’homme, tiré de sa propre essence, de son illumination intérieure ; encore une référence à la philosophie zen, mais aussi un rapprochement évident avec l’art brut pratiqué par Perriand, objets et sons vernaculaires !
Ce procédé est utilisé dans une œuvre majeure : Variation V.
Cette œuvre d’art total réunit sur une même scène des danseurs, des écrans où défilent des vidéos du quotidien (les propres répétitions des danseurs avec le chorégraphe Merce Cunningham !), du son et des objets du quotidien (une plante verte). Les danseurs exécutent des mouvements du quotidien (ils marchent sans intention particulière), et cette non-intentionnalité propre à Cage (rappelez-vous le Yi-King), débouchera sur une œuvre phare du XXième siècle, 4’33.
Cage reproduit ainsi des sons du quotidien, les intègre par collage sonore, sans harmonie composée, écrite ou ordonnée. Il dit à ce propos :
« Rien n’est fait en écrivant un morceau de musique, rien n’est fait en entendant un morceau de musique, rien n’est fait en jouant un morceau de musique ».
La connexion entre la musique de Cage et le Zen est évidente, car le travail de l’artiste doit suggérer l’essence, les qualités éternelles de l’objet qui est en soi une œuvre d’art naturelle avant que l’artiste lui-même n'arrive sur scène.



 

 

III. ART ET NATURE

 

1. L'art et la nature en Europe

Depuis toujours, la nature a été source d'inspiration pour de nombreux musiciens. Des premiers hommes, charmés par le chant des oiseaux et le son des éléments (tonnerre, vague...), aux compositeurs contemporains, la Nature est la première musicienne !
La variété des paysages, des lumières, des couleurs et des saisons a été souvent mise en musique (et peinte...) et transposée pour le chant ou les instruments (Les Quatre Saisons d'AntonioVivaldi-1725, La Symphonie n°6 « Pastorale » de Beethoven-1808, La Moldau de Bedrich Smetana-1874, Dans les steppes de l'Asie centrale d'Alexandre Borodine-1880, La Mer de Claude Debussy-1905...

Mais quand Charlotte Perriand fait référence à la nature, elle ne cherche pas à la filtrer. Elle ne demande pas au pinceau de représenter la nature, elle ne demande pas au compositeur d'évoquer la nature. Au contraire, elle recueille la nature brute, telle qu'elle est dans son écrin.
"Charlotte Perriand entretient une relation mystique avec la nature, une relation charnelle avec la matière brute. Dans les années 1930, elle collecte en compagnie de Fernand Léger des objets trouvés dans la nature : os, rochers, morceaux de bois dont la beauté l’attire, des "objets à réaction poétique" selon le mot de Le Corbusier. "Nos sacs à dos étaient remplis de trésors : galets, bouts de godasses, bouts de bois troués, de balais de crin, roulés, ennoblis par la mer (…) C’est ce qu’on appela l’art brut". En photographiant ces objets sur un fond neutre, Charlotte Perriand en souligne la pureté des lignes et la force des matières. "L’Art brut" porte en lui la croyance en une beauté première du monde et modifie la relation de l’homme moderne au sensible." (Musée Nicéphore Niépce).

Or le son brut a lui aussi attiré bon nombre de compositeurs, à commencer par Pierre Schaeffer, tout juste après le Deuxième Guerre Mondiale, à Paris. Il est le pionner d'une nouvelle musique qui a trouvé les nouveaux matériaux sonores encore employés aujourd'hui.
Un exemple parmi ses premières oeuvres : Etude aux chemins de fer, 1951

 

2. L'art et la nature selon Cage et la philosophie Zen

Dans cette optique d'art et nature, de sons enregistrés pour être diffusés tels quels, John Cage trouve un écho dans la pensée de Henry David Thoreau, 1817-1862, philosophe, naturaliste et poète américain. Ce dernier relate dans son Journal (1837-1844)qu'il est plus intéressant d'écouter les sons de la nature, le son des animaux et le glissement furtif des objets animés par les éléments naturels, plutôt que la musique préméditée et imaginée par un compositeur. Il écrit dans ce même Journal :
« Tout son est presque semblable au silence, c’est une bulle sur sa surface qui éclate aussitôt ».

Thoreau  met le son et le silence en rapport d’égalité ; le son n’apparait plus sur un fond de silence comme une figure sur le fond d’une peinture mais ce rapport peut être inversé : le son peut devenir fond comme le silence peut devenir figure. Thoreau constate aussi la permanence du son « le silence n’est jamais parfait » Charlotte Perriand reprend cette pensée dans ses écrits Empty Words : « la musique est continue, seule l’écoute est intermittente ».

De ce constat, associé à la philosophie zen et au Yi-King, John Cage crée l'oeuvre phare évoquée plus haut : 4'33.

 

 

Charlotte Perriand réalise au Japon une banquette en suivant le dessin naturel révélé par la nature  :

 

3. La nature brute et musique acousmatique

Une oeuvre phare : Sud de Jean-Claude Risset.

Sud est une commande du Ministère de la Culture, à l'initiative du Groupe de Recherches Musicales de l'Ina où la pièce a été réalisée. Jean-Claude Risset, chercheur, scientifique et compositeur français né en 1938, s’inspire des  techniques de musique concrète et électronique pour élaborer Sud. Il utilise des sons provenant de trois origines :

- les sons de la nature (enregistrés principalement dans le massif des Calanques de Marseille),
- des sons d’instruments de musique
- et des sons synthétiques en leur faisant subir toutes sortes de transformations, pour en former une œuvre originale.

Dans Sud, il n’y a pas de mélodie, de pulsation régulière, d’harmonie répertoriée, d’instruments reconnaissables, de sensation de temps qui passe.

Le matériau de base :

Les sons issus de la nature
Les sons d'instruments de musique
Les sons synthétisés

Les sons issus de la nature
Mer, flux et reflux avec galets 0’
Oiseaux avec mouettes 33’
Insectes (sauterelles, cigales) avec graines qui craquent au soleil 8’46

Les sons d’instruments de musique
Piano 4'55
Violoncelle 3'42
Carillon de bois (wood chimes) 5'08

Les sons synthétisés
Nuage harmonique 2'50
Grandes lignes aiguës comme un oiseau synthétique  5’54

Les sons issus de la nature
Mer, vagues

Les sons d’instruments de musique
Orgue 4'15
Carillons métallique et de bois, à la fin

Les sons synthétisés
Nuages harmoniques
Bruit de mer mixé au bruit synthétique (bruit blanc)

 



 

Les sons synthétisés
Pseudo clavecin 1’20
Arpèges harmoniques 4’22

Les sons d’instruments de musique
Carillon de métal (metal chimes) 1'50

 

Exemples de transformation du son :

  • le phasing : on superpose un son à des copies avec un léger décalage de fréquences
  • le changement de vitesse de lecture
  • le filtrage résonnant : on sélectionne ou élimine certaines fréquences d'un son
  • la spatialisation et la réverbération

 

    Des schéma spour vous repérer dans les vidéos :

     

     

    IV. ENVIRONNEMENT SOCIAL

    1. Engagement politique

    Dans ce chapitre, nous reprenons les propos écrits dans dossier pédagogique du Centre Pompidou (parcours d'exposition 2005-2006).

    Les effets de la crise de 1929 ne commencent à se faire sentir en France que vers 1930-1931. Ils se manifestent par une chute de la production surtout dans le domaine agricole et dans les branches anciennes de l'industrie comme la métallurgie et le textile. Le chômage atteint le chiffre considérable pour l'époque de 500 000 personnes et touche en grande majorité la classe moyenne urbaine et rurale.
    L'Association des Ecrivains et des Artistes Révolutionnaires (AEAR), créée en 1932 sous l'impulsion de Paul Vaillant-Couturier, rédacteur en chef de l'Humanité, rassemble bon nombre d'intellectuels et d'artistes. Elle compte dans ses rangs « pour la lutte aux côtés du prolétariat contre le fascisme et l'impérialisme » des membres proches du parti communiste et représentatifs de « la littérature et de l'art non-conformiste » comme Signac, Gide, Eluard, Hélion, Jourdan, Giono, Malraux et Charlotte Perriand.

    Les convictions politiques de Charlotte Perriand influent sur son travail, notamment lors de « l'Exposition internationale de Bruxelles » en 1935. Elle réalise en compagnie de René Herbst, Louis Sognot, Le Corbusier et Pierre Jeanneret un espace intitulé La Maison du Jeune Homme, une réflexion commune sur l'espace d'habitation d'un jeune homme en 1935.

     

     

    Charlotte Perriand ne peut rester à l'écart de l'élan, tant intellectuel que politique, en direction des classes populaires. Elle participe au Salon des Arts Ménagers de 1936 dont l'ambiance est, cette année-là, plus à l'équipement qu'à la décoration. Chaque architecte participant est tenu d'agencer un espace réduit de trois mètres sur quatre correspondant à la surface moyenne d'une pièce dans une Habitation Bon Marché (ancienne HLM).

     

    Pour répondre aux contraintes économiques difficiles, Charlotte Perriand propose, en compagnie d'autres architectes, un mobilier accessible aux classes moyennes particulièrement frappées par la crise. Dans un espace ouvert sur une terrasse, elle crée une grande table en chêne massif pour les repas, des fauteuils pliables et empilables en tube (édités par Thonet) et présente des casiers de rangements métalliques de la maison Flambo. André Hermant installe un meuble de rangement pratique, Francis Jourdain et André Louis disposent une petite table de fumeur.

    Dans une autre pièce, elle évoque, à travers un gigantesque photomontage appelé La Grande misère de Paris, la situation déplorable de ses habitants. En effet, Paris est à cette époque en pleine mutation. La ville s'étend dans la plus totale anarchie bien au-delà des limites historiques que sont les fortifications. Les plans d'urbanisme se succèdent, cependant aucun ne se concrétise. Charlotte Perriand désire interpeller l'opinion et les pouvoirs publics. Elle imagine cette « fresque » de près de 16 mètres de long composée de photos des beaux quartiers, d'immeubles de banlieue, de scènes de la vie quotidienne sur lesquelles elle écrit : « surpeuplement, misère du logement, maladies », « l'argent existe », « du travail pour tous », ce qui lui vaudra d'être qualifiée de communiste.

     

    1936, les partis de gauche regroupés en une coalition, le Front Populaire, remportent pour la première fois en France les élections. Léon Blum, Président du Conseil, forme un gouvernement composé de socialistes, de radicaux, soutenu par les communistes. Presque simultanément, de grandes grèves ouvrières éclatent et paralysent le pays tout entier. Près de deux millions de salariés occupent leur lieu de travail et menacent la paix sociale. En juin, à la demande de Léon Blum, les représentants du patronat et les syndicats ouvriers se rencontrent pour signer les accords de Matignon. Les travailleurs obtiennent l'augmentation des salaires, les congés payés, la limitation du temps de travail et la reconnaissance du droit syndical. Pendant l'été 1936, les ouvriers partent pour la première fois en congés payés.

    Désormais est privilégiée l'organisation des loisirs, même en architecture. Le concours organisé par L'Architecture d'Aujourd'hui lors de l'Exposition de l'Habitation n'est autre qu'« Une cité de week-end située dans la presqu'île de la Cride dans le Var ». Charlotte Perriand y participe.

     

    La musique engagée ne manque pas. Et elle n'est pas récente. Déjà au Moyen Age on se moquait et on dénonçait le pouvoir comme le montre cet exemple de 1310-1314 : Le Roman de Fauvel.

    Le texte allégorique raconte l'histoire de Fauvel, un âne qui s'approprie la maison de son maître, et est interprété comme une critique de la corruption de l'Église et du système politique. Le nom du protagoniste, Fauvel, est un acronyme de ses six principaux défauts du siècle : la Flatterie, l'Avarice, la Vilenie («U» typographié en V), la Variété (inconstance), l'Envie et la Lâcheté.

    Ainsi, au XXième siècle, la musique elle aussi, sert de message à l'égard des classes dirigeantes et mettent en son ou en scène les dérives du système.

    Quelques exemples

     

    Le groupe des Six

    Le terme « groupe des Six », aussi nommé Les Six, fut inventé par le compositeur et critique Henri Collet. Il réunissait, entre 1916 et 1923 :
    - des compositeurs :

    • Georges Auric (1899-1983),
    • Louis Durey (1888-1979),
    • Arthur Honegger (1892-1955),
    • Darius Milhaud (1892-1974),
    • Francis Poulenc (1899-1963),
    • Germaine Tailleferre (1892-1983)

    auxquels s'associaient des poètes d'avant-garde : Blaise Cendras et Jean Cocteau, le porte-parole du groupe.
    Les compositions du groupe des Six reflètent une esthétique commune et un nouvel état d'esprit :  l'« Esprit Nouveau » qui soufflera sur les années 20 en France (et en Allemagne également avec Paul Hindemith). La seule œuvre collective des Six (sans Durey) est leur collaboration aux Mariés de la Tour Eiffel de Cocteau, une oeuvre à découvrir et à connaître :

     


    Le Groupe des Six était avant tout un groupe de jeunes camarades, réunis par :

      • leur ancrage dans la vie artistique et intellectuelle parisienne (Les « samedistes » se retrouvaient dans des appartements, restaurants, au cirque Medrano, au Music-hall...)
      • leur ton impertinent : Machines agricoles opus 56, 1919, de Darius Milhaud pour voix soliste et orchestre de chambre :
      • et leur ouverture très moderne à de nouveaux arts (music-hall, cirque et bientôt le cinéma) et aux nouveaux genres musicaux (jazz, musique latino-américaine).

      Voici le texte des Machines agricoles de Milhaud. Il s'agit du texte du catalogue de présentation !

      « La moissonneuse Espigadora est employée dans les pays où la paille n’a pas grande valeur ; c’est une machine qui, grâce à une grande coupe, permet de faire de 12 à 15 hectares par jour. Elle peut être montée soit avec un élévateur qui, au moyen d’une toile, transporte et déverse les épis coupés sur un chariot-camion, dont la marche est réglée sur celle de la machine et parallèlement à elle-même, soit avec un appareil lieur formant la gerbe comme dans les moissonneuses ordinaires. Les deux accessoires, élévateur et appareil lieur, sont généralement achetés par les cultivateurs avec chaque Espigadora. »

      Essayez de suivre le texte avec la musique : quelle poésie !!!

      Comment trouvez-vous l'accompagnement instrumental ?

       

      2. Engagement et dénonciation - Brecht et la satire sociale

      Grandeur et Décadence de la ville de Mahagonny (1930) et l’Opéra de Quat’Sous (1928) sont deux œuvres écrites par Bertolt BRECHT et mises en musique par Kurt WEILL. Elles développent les mêmes thèmes : une critique du capitalisme et une satire sociale.
      En 1928, quand L'Opéra de Quat’Sous est publié et représenté, il rencontre un franc succès, grâce aux caractères des personnages et aux accents de Jazz dans la musique de Weill, sur laquelle viennent se poser les paroles cyniques et caustiques de Brecht. L’Opéra de Quat’Sous est une œuvre engagée, drôle et cruelle.

      L'œuvre est écrite comme un singspiel avec des parties chantées et parlées qui se succèdent : chansons, ballades, duos, récitatifs, mouvements de tango, fox-trot, etc., écrites dans le style sec, dépouillé, voire agressif propre à Kurt Weill. Il puise dans le répertoire du cabaret, de la chanson des rues, du jazz, dans la musique savante, l'opérette. Il crée un nouveau type de chant-joué, coupant et acide, pathétique et réfléchi, en parfaite correspondance avec l'esthétique épique de Brecht.
      Pour accompagner les voix, un «jazzband» se substitue à l’orchestre traditionnel. La famille des cordes, souveraine à l’opéra, n’est représentée que par un violoncelle et une contrebasse.
      De nombreux instruments originaux, tels que le banjo, la guitare hawaïenne ou encore le bandonéon prennent ainsi place dans cet orchestre aux sonorités inhabituelles.
      L’Opéra de Quat’Sous, au langage simplifié, peut être chanté par des acteurs et non forcément des interprètes lyriques professionnels. Enfin, l’orchestre n’est pas dans la fosse, mais présent sur la scène.

       



      L’Opéra de Quat’Sous est avant tout un vaudeville, dont l’action se passe à Londres, dans le quartier de Soho où règne la misère. Deux types de personnages s’opposent. D’un côté, les escrocs, voleurs et canailles au service de Mackie-Le-Surineur, figure emblématique du bandit de grand chemin. De l’autre, les mendiants engagés par Peachum, clochard en chef du quartier, distribuant accessoires et moignons pour aider les vagabonds à émouvoir, attirer la pitié et ainsi gagner de l’argent.

      Polly, la fille de Peachum et amante de Mackie, est l’élément qui déclenche l’intrigue. En se mariant avec Mackie, elle provoque la colère et la haine de son père qui veut sauver sa dignité et son image, des mains de ce brigand.

      La critique naît alors. Déjà par l’inversion des rôles, le gentil (Mackie) et le méchant (Peachum) ne sont pas ceux qu’on attend. Brecht montre que la place sociale ne signifie rien. Et, pire encore, que le chef d’entreprise (Peachum en l’occurrence) n’est qu’un petit bourgeois méprisable, égoïste et avare. Alors que le brigand, Mackie, apparaît comme cultivé, digne, calme et possède les qualités du héros traditionnel, la force physique et la raison. C’est ici la première critique sociale que fait Bertolt Brecht. Une critique marxiste, totalement basé sur la lutte des classes. En effet, l’auteur allemand n’a jamais caché ses attirances pour le communisme, et n’hésite pas à les coucher sur le papier.
      La deuxième critique est plus large. Elle se focalise moins sur la notion de classe, mais plus sur les institutions, la société en elle-même. Une critique avérée du système. En effet, le rôle de la police en est ici l’exemple parfait. L’inspecteur Brown et son adjoint Smith sont corrompus et n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts, et non ceux de la société. Notamment quand Mackie est enfermé, en attente de la potence. Smith lui offre sa libération contre mille livres. De plus, en ce qui concerne Brown, il est un ami proche de Mackie, ils ont fait la guerre des Indes ensemble et vivent une amitié parfaite.

      Pourtant, Brown devrait, dans son rôle de policier, arrêter Mackie pour meurtres et autres forfaits, ce qu’il ne fait à aucun moment volontairement. Il ne le fait que sous l’influence et suite à la persuasion de Peachum. Brecht critique donc l’égoïsme, et le fait que les protagonistes font passer leurs intérêts avant ceux de la société (une critique du capitalisme en filigrane, donc).
      Cette critique de l’homme égoïste apparaît aussi dans les « songs » de la pièce, avec des titres comme : « Le chant de l’inanité (néant, vide) de l’effort Humain » ou encore « La ballade de l’esclavage des Sens ».

      Cette charge contre la société est accentuée par la scène finale de la pièce. En effet, Brown apparaît comme deus ex-machina et gracie Mackie, de la part de la Reine (la pièce ayant lieu autour du couronnement de celle-ci). Il est, en plus d’être gracié, anobli et doté d’une rente à vie. Cette chute inattendue (presque ridicule, mais cette chute n’a pas qu’un rôle de critique sociale) montre le côté bancal du système. Les truands sont graciés sans raisons, par une reine qui intéresse moins que la pendaison de ce même brigand.

      Brecht dénonce donc un système inégal, injuste et absurde, où tout est régulé selon le bon plaisir d’un monarque, où le pouvoir est centralisé.

      L’Opéra de Quat’Sous s’inscrit donc dans une lignée engagée et marxiste, dénonçant avec frénésie les vices d’une société de consommation, égoïste et injuste.

       

      L'oeuvre entière dans sa version française et cinématographique

       

      Petit travail noté à faire

      3. La montagne

       

      Dans la station des Arcs, la protection de la nature et de l'environnement reste primordiale. Cette station est prévue sans voiture. Nous sommes en 1969.
      Les origines de Chralotte Perriand sont savoyardes (Yenne) et bourguignonnes. Elle a entretenu avec la montagne et les Alpes en particulier une relation privilégiée faite à la fois de ressourcements personnels et de recherches professionnelles dans le domaine de l’architecture de loisirs. Pour elle, les grands espaces de la montagne sont une occasion de ressourcement, de « re-création », d’équilibre. Elle écrivait en 1966 : « La montagne offre à l’homme la possibilité de dépassement dont il a besoin ».

      Sa fille Pernette Barsac-Perriand écrit : « Enfant, elle venait en vacances à Yenne chez ses grands-parents paternels. De là, elle apercevait au loin les sommets de Maurienne qui la fascinaient et qu’elle se promettait d’aller découvrir ».

      Elle s'initie dans les années 1920 à la haute montagne, aux côtés d'un guide réputé nommé Pierre Blanc, dit "le Pape". Elle deviendra une montagnarde et une skieuse chevronnée. Elle fera de la montagne, en outre, un terrain d'expérimentation et de création pour ses créations : le chalet le Vieux Matelot, le Refuge Bivouac, avant d'autres oeuvres plus conséquentes (Les Arcs).

      Au vu de cette passion pour la montagne, et en lien au regard critique de la société, notamment des villes qui grandissent pour accueillir la population rurale, il nous semble naturel de conclure ce cours par un chant particulièrement connu et beau :

       

      La Montagne de Jean Ferrat

      Ils quittent un à un le pays
      Pour s'en aller gagner leur vie
      Loin de la terre où ils sont nés
      Depuis longtemps ils en rêvaient
      De la ville et de ses secrets
      Du formica et du ciné

      Les vieux ça n'était pas original
      Quand ils s'essuyaient machinal
      D'un revers de manche les lèvres
      Mais ils savaient tous à propos
      Tuer la caille ou le perdreau
      Et manger la tomme de chèvre

      Pourtant que la montagne est belle
      Comment peut-on s'imaginer
      En voyant un vol d'hirondelles
      Que l'automne vient d'arriver ?


      Avec leurs mains dessus leurs têtes
      Ils avaient monté des murettes
      Jusqu'au sommet de la colline
      Qu'importent les jours les années
      Ils avaient tous l'âme bien née
      Noueuse comme un pied de vigne

      Les vignes elles courent dans la forêt
      Le vin ne sera plus tiré
      C'était une horrible piquette
      Mais il faisait des centenaires
      à ne plus que savoir en faire
      S'il ne vous tournait pas la tête

      Pourtant que la montagne est belle
      Comment peut-on s'imaginer
      En voyant un vol d'hirondelles
      Que l'automne vient d'arriver ?


      Deux chèvres et puis quelques moutons
      Une année bonne et l'autre non
      Et sans vacances et sans sorties
      Les filles veulent aller au bal
      Il n'y a rien de plus normal
      Que de vouloir vivre sa vie

      Leurs vies ils seront flics ou fonctionnaires
      De quoi attendre sans s'en faire
      Que l'heure de la retraite sonne
      Il faut savoir ce que l'on aime
      Et rentrer dans son H.L.M.
      Manger du poulet aux hormones

      Pourtant que la montagne est belle
      Comment peut-on s'imaginer
      En voyant un vol d'hirondelles
      Que l'automne vient d'arriver ?